Voyeurisme malsain, engrenage funeste, escalade psy : dans ce film de François Ozon sorti en 2012, Fabrice Luchini retrouvait un rôle proche du "Confidences trop intimes" de Patrice Leconte 8 ans plus tôt. Prof de français au lycée Gustave Flaubert, Germain, amoureux des belles lettres, a perdu foi en son métier, accablé par la médiocrité de ses élèves et l'indigence intellectuelle des copies qu'il corrige. Epanchant sa frustration auprès de son épouse, il tombe un jour sur un devoir dont la singularité le réveille. L'auteur, Claude Garcia, 16 ans, y livre le récit de son week-end dans la famille de Rapha, un ami de sa classe qu'il aide en mathématiques. Le style est brillant, la teneur ambiguë... L'intérêt aiguillonné par ce troublant devoir conclu sur un énigmatique "à suivre", Germain va chercher à en savoir plus. Dès lors, une relation de dépendance réciproque s'installe entre le prof, écrivain raté, qui fait un transfert et prodigue des conseils d'écriture à cet élève surdoué ; et l'élève, à la personnalité inquiétante, qui s'immisce de plus en plus dans la vie de la famille de Rapha, racontant l'intime copie après copie. Dans ce jeu dangereusement pervers où l'un se nourrit de l'autre, le spectateur observe les fils du réel et du fantasmé se rapprocher, s'entrecroiser puis se confondre. Thriller psychologique servi par d'excellents dialogues, "Dans la maison" fait monter la tension cran par cran sans toutefois parvenir à maintenir l'effet cocotte-minute jusqu'au bout. L'histoire pâtit de passages à vide et l'on regrette le choix d'une fin trop sage quand le sujet portait justement à lâcher la bride avec plus d'audace. Résultat : on reste un peu sur sa faim. Sinon, côté interprétation, rien à redire. Tour à tour admiratif, excité, fiévreux, dépassé puis effrayé, Luchini, toujours excellent, joue la partition des sentiments avec brio. Auprès de lui, Kristin Scott-Thomas interprète son épouse avec toute la classe et la justesse qu'on lui connaît. Quant au jeune Ernst Umhauer, insaisissable à souhait, il excelle entre perversité et angélisme.