« Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs ». Cette petite ligne introductive du résumé proposé par un célèbre site de cinéma français pourrait à elle seule décrire « Magic Magic », le dernier long-métrage de Sébastian Silva. Ayant travaillé avec Mallick pour le film « A la merveille », il s’exerce ici en solitaire sur un sujet qui lui tient à cœur : la perte des facultés mentales et la schizophrénie.
La schizophrénie oui, mais pas que.
Traiter la schizophrénie relève presque du passage rituel en matière de cinéma, Fincher est passé par là, Scorcese aussi, comme tant d’autres. Cependant, à l’inverse d’un Shutter Island ou d’un Fight Club, « Magic magic » ne s’appuie pas sur une intrigue, sur un scénario, mais sur une atmosphère relevant d’une idée simple : la solitude au milieu de la foule.
Afin de nourrir cette idée, Silva installe son film de manière lente et progressive. Les péripéties sont rares, et le rythme n’est que rarement bouleversé. Il ne vient pas nous conter une histoire, il nous décrit au travers de ses quelques personnages l’évolution d’une société, le traitement des différences d’une minorité par la majorité conforme. Et ce qu’il le fait, il le fait avec un talent indéniable. Par le trouble instiguée tout au long du film, la schizophrénie se trouve n’être qu’une suite de craintes: la peur du rejet ou encore de la solitude. L’incompréhension quant à la violence et le trouble qui en résulte. Aucune échappatoire n’est jamais envisagé ici, aucune solution véritable n’est proposée, laissant se propager ce mal inexplicable. Silva va ici plus loin que la simple idée d’un comportement schizophrène au sein d’une intrigue, c’est toute une analyse de la jeunesse qui est faite au travers du trauma d’Alicia.
Juno Temple, Magique.
Le brio du film tient dans la seule prestation de son actrice principale : Juno Temple. Seule et perdue sur cette île, avec quatre personnes qu’elle ne connait pas ou peu, son malaise devient rapidement le nôtre. Elle nous emmène dans cette spirale de peur, d’angoisses inavouées. Elle nous fait vivre l’insomnie, le doute et son cauchemar quotidien. Tandis que la panique la gagne, notre cœur s’accélère, ses larmes sont les nôtres et l’on hurle avec elle de ces évènements qui la perturbe, de ce climat qui, petit à petit, la ronge.
Actrice discrète jusqu’à maintenant, connue notamment pour ses prestations dans l’excellent Mr. Nobody ou Kaboom, elle révèle ici une profondeur de jeu insoupçonnée, un talent incroyable dont on n’espère qu’une chose : qu’il perdure.
Une œuvre bouleversante.
A l’instar de Stay réalisé par Marc Forster, il y a fort à parier que le film ne récolte pas les éloges. Et ce sera bien malheureux car il regorge d’autant de richesses. Si Sebastian Silva ne fait pas montre d’excès dans sa réalisation et ne bouleverse guère les codes du genre, il s’assure néanmoins de la beauté de ces plans, des sentiments qu’il véhicule à travers son œuvre.
S’achevant en apothéose, « Magic magic » est un condensé d’émotions. Un véritable choc. Un de ses films qui vous heurte, une œuvre bouleversante qui ne peut laisser insensible. C’est à la fois la peur viscérale de la perte de soi et la peur des autres, de cette société que l’on ne comprend pas. De ce plus grand nombre qui chaque jour vous bouscule et à qui chacun veut ressembler, quitte à se perdre soi-même.