Gus Van Sant à la rescousse de Matt Damon, coscénariste de Promised Land, film que l’acteur avait prévu de réaliser lui-même. Un projet abouti que tenait sincèrement à cœur l’acteur vedette de l’œuvre, aux acteurs de l’œuvre devrait on dire puisque Damon partage le script avec Krasinski. Quoiqu’il en soit, Gus Van Sant prend les choses en main d’une façon si habile que le film fait figure de pamphlet politico-écologiste exemplaire. Lisible, équilibré dans le débat qu’il suscite, agréablement rythmé et surtout brillamment interprété, ce énième film de Van Sant est peut-être l’une des ses œuvres les plus accessibles. Si nous ne sommes pas concerné par l’exploitation éventuelle du gaz de schiste de notre sous-sol, l’on ne peine jamais à cerner la problématique évoquée ici, le combat des personnages pour parvenir à leurs fins.
Lorsque l’outil capitaliste américain vise à acheter, à proprement parler, le milieu rural du pays, les grandes compagnies envoient sur place des recruteurs, acheteurs et interventionnistes qui ne dénotent pas dans l’environnement qu’ils ont la mission d’acquérir pour leurs employeurs. Matt Damon, délivrant une énième interprétation majestueuse tant l’acteur se fond dans son personnage, illustre l’innocence de l’employé modèle d’une firme aux yeux clignant devant les liasses. D’abord convaincu par la nécessité d’apporter aux communautés rurales américaines des moyens financiers considérables pour leurs développements respectifs, notre homme, dans un revirement de situation attendu mais très habilement mis en scène, prend conscience de la valeur d’une propriété, de l’attachement à un bien personnel, le tout n’ayant pas de prix.
Oui, parce qu’il est ici question, notamment de sacrifice. Sacrifier son bien pour en retirer une fortune confortable. La compagnie, la firme offre cette opportunité aux habitants du cru, en contrepartie d’une déchéance certaine de la valeur agricole de leurs terrains. Choix moral très embarrassant qui divisera une bourgade du Middle West alors que toutes les théories, les thèses évoquées, ont bon fond. Promised Land ne tombe jamais dans le panneau d’une prise de parti. Ecologie, nécessité de relance économique, respect de l’héritage de générations d’aïeux contre l’enrichissement certain, le film nous fait nous poser les bonnes questions. En somme, si l’on parle ici de fracturation hydraulique pour la collecte de gaz de schiste, le problème de la production d’énergie, renouvelable ou non, se pose dans tous les domaines. A l’heure d’une révolte citoyenne visant à sauver la planète bleue, l’arrêt du nucléaire, Promised Land s’inscrit comme un larron en foire dans l’esprit actuelle d’une mouvance collective concernée, intéressée mais sceptique.
Difficile de dénombrer les forces du film de Gus Van Sant, de Matt Damon, tant le sujet est traité avec amour et délicatesse. Si le récit est soigné, que dire des prises de vues, d’une beauté toute naturelle, de la sagesse des personnages, qu’ils soient dans un camp comme dans un autre. Rarement cinéma aura opposé des protagonistes avec autant de respect. Nul question de bien ou de mal, juste un partage d’avis, d’idées, importants pour l’avenir d’une région, d’un pays. Que laissé à ses enfants? Peut-on profiter d’une opportunité éphémère pour s’enrichir soi-même sans penser aux lendemains, à nos descendants? Peut-on laisser passer l’opportunité de rendre une région pauvre très riche, par soucis d’écologie? Jamais tel film aura été si lisse et neutre sur un sujet aussi sensible. S’il n’est pas un chef d’œuvre, il s’en rapproche, ce Promised Land, film à l’hommage d’une planète dans le doute face à son avenir. 17/20