Nouvelle réussite d'un Gus Van Sant décidément en état de grâce, "Promised Land" est l'un des films les plus beaux et les plus émouvants de ces derniers temps, tout se coltinant de manière - heureusement - non militante au "grand sujet" de l'extraction du gaz de schiste. Commençons par évacuer la seule grande faiblesse du film, sa conclusion / happy end, mièvre, convenue, ridicule, qui désarmorce presque l'impact de l'heure et demi parfaite qui a précédé. Pourquoi ne pas arrêter le film après la scène terrible de la découverte de la duplicité de Global, puisque tout est dit, de manière aussi définitive que désespérante ? Ce "Promised Land"-là, amputé d'une fin stupide, est un chef d'oeuvre, une description minutieuse, attentive, inspirée d'une Amérique rurale qui n'a plus que le choix entre la mort à petit feu - la misère - et le suicide immédiat, entre les mains des grandes corporations rapaces : la triste beauté, la sérénité pleine de tendresse que dégagent la mise en scène et la photographie magnifique, le jeu précis - mais décalé juste ce qu'il faut - des acteurs qui transcendent en permanence le scénario "engagé" un peu trop convenu, contribuent à la pertinence d'une vision élégiaque, profonde mais tranquille, de cette humanité qui disparaît peu à peu. On soulignera particulièrement la subtilité de Matt Damon, dans un rôle paradoxal de "good guy" au service du "Mal", mais dont l'expérience personnelle douloureuse se révèle "réversible", prouvant que nulle leçon définitive ne peut (ne doit ?) être tirée au niveau individuel. Belle, très belle leçon, qui élève le film vers une vraie transcendance.