Quand je regarde un film, quel qu'il soit, j'aime bien en ressortir un peu moins con que je ne l'étais, satisfait d'avoir appris quelque chose. Et pour cela, Gus Van Sant se révèle être à chaque fois l'homme de la situation : c'est pourquoi j'ai toujours apprécié son cinéma engagé. Cinq ans après s'être attaqué au sujet très délicat de l'homosexualité dans la sphère politique, voilà qu'aujourd'hui il s'attaque à l'industrie gazière et plus largement à l'exploitation de terres agricoles. Un film populaire en quelque sorte, qui s'intéresse avant tout aux petites gens, dans le sens noble du terme. Suffisant pour me faire oublier son dernier et (trop) personnel Restless.
Si avec Promised Land le réalisateur apparaît un peu plus sage qu'à l'accoutumé, le message véhiculé n'en reste pas moins très efficace et surtout d'actualité. Toujours porté par une mise en scène minimaliste mais limpide (qui dit beaucoup sans jamais en faire trop), par une très belle photographie, par une musique discrète mais à chaque fois dans le ton juste, et par des dialogues d'une grande richesse, le nouveau film de Gus Van Sant atteint son objectif et parvient à nous toucher en toute simplicité.
Du côté des acteurs, le choix porté vers Matt Damon semble une évidence tant cet acteur est un homme à tout faire. Si les films d'action sont ses films de prédilection, il est difficile ici de parler de rôle à contre-emploi tant sa présence et sa prestance paraissent naturelles. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'on le lance dans le cinéma engagé, puisqu'on l'a déjà retrouvé du côté de Soderbergh dans The Informant !, de Clint Eastwood dans Invictus et enfin du côté de Robert de Niro dans Raisons D'Etat. Tout ça pour dire que son CV est relativement impressionnant, et il prouve encore avec Promised Island qu'il est une nouvelle fois capable de dégager un certain charisme qu'on ne voit que trop rarement chez d'autres.
Sinon, le reste du casting n'est pas à ignorer et est un vrai gage de qualité, Hal Holbrook en tête qu'on ne voit malheureusement que très peu, ainsi que la fraîcheur de Rosemarie DeWitt (découverte pour ma part dans The Compagny Men). Cependant, petite déception venant de Frances McDormand, que je n'ai jamais réussi à bien cerner et dont le personnage campé manque d'épaisseur, mais ce n'est qu'un petit détail.
Evidemment, tout l'intérêt de Promised Land n'est pas tant de savoir si Steve Butler () et sa collègue Sue Thomason (Frances McDormand) sont finalement les grands méchants loups de l'histoire ("I'm not the bad guy" se défend d'ailleurs Butler). Il s'agit surtout de mettre en avant une communauté à la dérive, au bord du gouffre, mais que rien ne les fera quitter leur terre, face à un ogre industriel peu scrupuleux prêt à tout pour forer le sol (les méthodes évoquées vous feront rire jaune, y a pas de doute). Une histoire authentique donc, et sincère, qui remet au goût du jour certaines valeurs aujourd'hui perdues. GVS se permet même d'intégrer deux petites pirouettes finales plutôt bien senties afin de clore 1h45 de pur plaisir.
Enfin, histoire de boucler cette critique, Promised Land donne à réfléchir, sans jamais imposer un point du vue précis. Denrée très rare dans notre 7ème Art actuel, et rien que pour ça, il mérite d'être vu !