Gus Van Sant a toujours réalisé des films très intelligents. Après un Harvey Milk plus que convaincant, le revoilà sur les écrans avec Promised Land, film sur le gaz de schiste. Un film donc qui porte sur un lourd débat sans fin entre les écologistes et les représentants des groupes énergétiques. Nous voilà plongé dans l'Amérique rurale contemporaine, sans plus d'indication géographique, mais filmée avec une rare tendresse et la patte d'un paysagiste. A l'affiche, Matt Damon ert Frances McDormand qui incarnent deux représentants d'un grand groupe énergétique du nom de Global. Ils ont comme objectif de convaincre les habitants d'une ville pauvre endettée à forer leurs terres afin de récupérer le gaz de schiste. En échange, ils leur proposent une grosse somme d'argent. Mais comme on le sait tous, ce fameux forage est très mauvais pour l'environnement. Les villageois ne seront alors pas totalement convaincus et l'arrivée d'un étrange écologiste dans le village va empirer le devoir des deux représentants. Ce qui est avant tout unique dans le film, c'est que dès le début, une anomalie avec la routine du cinéma est engagée : on est du coté des méchants supposés, c'est-à-dire ceux qui sont prêts à tout pour pouvoir signer des contrats de forages à des villageois. Gus Van Sant crée une intimité avec eux, en les montrant dans leur motel, au drugstore, dans leur voiture, le soir au bar karaoké, plus ou moins alcoolisés. Il se taquinent mutuellement. Ils font un travail qui peut sembler odieusement cynique, mais, pour le reste, ils sont aimables et attentifs. Et c'est clairement ce contraste qui fait de Promised Land un film émouvant. C'est donc un mélange complexe que Matt Damon incarne à la perfection. Dans Will Hunting, il incarnait l'innocence, l'intelligence désintéressée. Alors qu'il a mûri et changé physiquement, cette image d'idéaliste lui colle encore à la peau. Et c'est tout ça qui fait que Matt Damon est l'acteur parfait - et le démontre - pour un rôle comme celui-ci. Le film n'en reste pas moins sans défauts. Tout d'abord, ceux qui ne sont pas intéressés par ce débat sur le gaz de schiste trouveront le temps assez long. Ceux qui n'en connaissent pas l'histoire pourraient trouver le film ou intéressant, ou tout simplement médiocre. Promised Land est donc un film qui concerne un public restreint, même s'il est doté de beaucoup de sentiments, d'émotions, et de réalisme. La morale à la fin peut aussi nous laisser perplexe. Mais ça montre une certaine humanité, ce qui n'est pas un défaut. Même si le scénario peut donc en décevoir beaucoup, Gus Van Sant choisit d'ouvrir un débat sur le gaz de schiste à travers un cheminement moral et existentiel sur son héros. C'est pourquoi le film s'élève au-delà du simple problème du gaz de schiste : il montre comment le système économique dévoie les meilleures volontés, favorise les pires réflexes, et conduit à ne prendre soin de personne ni de rien. A travers donc un fort sentiment de volontarisme hollywoodien, Promised Land reste un film juste, réaliste, plein de rebondissements - ce qui m'a d'ailleurs assez étonné - et doté d'un casting hors-pair. C'est une façon très cinématographique d'élever le débat sur le gaz de schiste. Un bon film.