Pourquoi attendre Promised Land ? C’est vrai quoi ! Des films écolos d’envergure hollywoodienne, le cinéma américain nous en a livré quelques uns (comme Erin Brockovich avec Julia Roberts). Alors pourquoi faut-il aller voir ce film ? Pour Matt Damon qui depuis quelque temps préfère jouer dans des films moins actions que Jason Bourne (Contagion, Un nouveau départ…) après l’échec de L’Agence ? Pour Gus Van Sant, réalisateur de Harvey Milk, film qui fit remporter à Sean Penn son second Oscar (après Mystic River) ? Eh bien pour les 2, tout simplement ! Car Promised Land organise les retrouvailles entre le cinéaste et l’acteur/scénariste du fameux Will Hunting (qui date quand même de 1997, même s’il y a eu par la suite Gerry). Et que, rien que pour ça, Promised Land mérite que l’on s’y attarde, pour voir si l’on obtient un film aussi bon que ce cher Will Hunting.
Mais bon, il faut bien avouer qu’il est difficile de comparer les deux films, tant leurs sujets respectifs diffèrent au possible. Will Hunting traitait de la déchéance d’un surdoué qui sombrait dans la vie de voyou plutôt que de faire part de ses problèmes et de se sortir de son pétrin quotidien. Avec Promised Land, le thème flirte avec l’actualité. Et bien que l’histoire soit américaine, les sujets sur le gaz de schiste font pourtant débat en France. Pour savoir s’il faut récupérer cette énergie et ce malgré les risques environnementaux qui accompagnent son prélèvement par fracturation hydraulique (dislocation de formations géologiques par le biais de produits chimiques). Cela, Promised Land l’aborde du point de vue d’un employé d’une compagnie pétrolière qui, avec sa collègue, parte dans une bourgade américaine pour inciter les paysans à vendre leurs terres (où, comme par hasard, ce trouverait un important gisement). La faute du film aurait été fatal si le film s’en arrêtait là, encourageant au possible l’écolo qui combat notre cher Matt Damon. Mais Promised Land, se plaçant du point de vue de ce dernier, a le culot d’encourager notre employé et de nous faire hésiter entre les deux partis. Car, d’une part, le prélèvement du gaz de schiste est nocif pour l’environnement. Mais de l’autre, le rachat des terres peut permettre, par le biais de l’argent, d’améliorer le cadre de vie de ces paysans, pauvres et sans avenir, qui ont ainsi l’opportunité d’améliorer les choses du quotidien. De ce fait, de part un sujet de base, Promised Land se permet d’effleurer bon nombres de thèmes différents, allant jusqu’aux problèmes sociaux, familiaux (avoir un boulot qui demande de se déplacer sans arrêt, au point de ne voir son enfant que par Skype), industriels (le manque de confiance des dirigeants envers une équipe, de peur perdre le but ultime), économiques (la crise est bien mise en avant !) et écologiques (bien entendu !). Après, Promised Land n’évite malheureusement pas les clichés hollywoodiens, du genre la naissance d’une idylle amoureuse plutôt vacillante qui finira comme tous les spectateurs présents ont pu le deviner (bien que la dernière scène du film ne le fasse que penser), ou bien d’un final où notre « héros » se retourne contre ses employeurs via une réunion municipale. Fort, heureusement, Matt Damon et son collègue du moment, John Krasinski, ont su insuffler un humour bienvenu dans le récit, rendant le duo Steve/Sue super attachant et les moments de dragues avec Alice plutôt amusant.
Ce côté décontracté mais aussi sérieux quand il le faut, Promised Land le doit également à ses acteurs. Tout comme Will Hunting, certains pourraient juger Matt Damon de prétention à la voir incarner un personnage principale du script qu’il a écrit lui-même. Il n’empêche, l’acteur joue avec un naturel plutôt déconcertant, prouvant qu’il connait parfaitement ce rôle qu’il a créé. Et surtout qu’il forme un duo détonnant avec Frances McDormand, l’actrice attitrée des frères Coen, qui ici pétille comme jamais. Un constat qui s’applique également à Rosemarie DeWitt. Il est tout de même dommage que le reste du casting n’arrive pas à suivre, tant le film cumule les seconds rôles peu marquants. Mais surtout, c’est le fait que John Krasinski, co-scénariste, qui se retrouve ici à jouer les écolos de service sans pour autant se montrer mémorable. Un tel rôle pouvait lui permettre de voler la vedette pendant des minutes à Matt Damon. Il n’en est malheureusement rien. Le comédien/scénariste est à l’écran, joue simplement, point !
Après, Promised Land reste un traitement de ce genre de sujet cinématographique, où la mise en scène ne fait que filmer les personnages, leurs discussions, leurs allers et venues. Néanmoins, si le scénario nous fait hésiter entre le parti écologiste et celui du prélèvement du gaz de schiste, la caméra de Gus Van Sant insiste bien sur le côté « Greenpeace ». Et ce par le biais de plans vus du ciel où l’on ne voit que des prairie, des plans où les arbres envahissent l’écran, les plans qui se permettent de montrer un pont peint en vert et même un plan où est écrit « green » sur la façade d’une grange. Van Sant impose dès lors son choix personnel, nous permettant de découvrir une Amérique profonde qui sort enfin du spectaculaire, loin des étendues texanes d’un western, des cités envahissantes de la côte Est ou encore du soleil californien. Ici, c’est la rase campagne internationale (elle peut bien être aussi américaine que française). Ajoutez à cela une musique calme et accrocheuse (Danny Elfman à contre-emploi, bien loin de ses partitions habituelles pour Tim Burton), et le cadre se montre véritablement bucolique.
Bref, Promised Land peut se montrer cliché par moment mais reste un film intéressant à suivre, grâce à ses personnages principaux plutôt attachants et aux divers sujets actuels qu’il aborde. Certes, nous sommes très loin de la puissance de Will Hunting, mais ce Promised Land a tout ce qu’il faut pour nous faire changer d’air avec un thème du quotidien.