Récemment, Jacques Audiard avait dit, à propos de son De Rouille d’os, qu’il avait souhaité inscrire son film dans une époque, de sorte que l’on se souvienne de comment on vivait en 2012. Ces propos décrivent on ne peut mieux ce qu’est Les Femmes du bus 678, ce premier film qui s’inscrit d’office dans le patrimoine égyptien. En effet, en plus de raconter l’histoire de trois femmes plus ou moins confrontées aux agresseurs sexuels, Mohamed Diab est parvenu à concentrer les mœurs d’une époque avec cette figure féminine hautement sous-estimée, ainsi que ce régime de l’âge de pierre qui fronce volontiers les sourcils lorsque l’on prononce le mot « parité ». Un constat cruel qui s’avère pour le moins révoltant. Si les évènements relatés dans ce film datent d’il y a quatre ans, ce n’est qu’après les évènements du Printemps arabe que l’histoire n’aura pas eu à subir l’éventuelle censure du déchu Moubarak. Film choral sur trois femmes bien décidée à changer un gouvernement, Les Femmes du bus 678 décrit donc merveilleusement bien cet Etat où la gente féminine se voit incapable de marcher dans la rue, prendre un bus, sans que cela ne parte en couilles (dans tous les sens du terme). De fait, il est difficile de ne pas se montrer révolté en assistant à un tel spectacle, tant le comportement des ces messieurs semble à des années lumières de notre réalité. En dépit de cela, le film reste très touchant. On se souvient notamment de trois excellentes actrices, qui sont très bien parvenues à capter la tonalité profondément dramatique qu’un tel sujet nécessite, tout en le retranscrivant superbement bien à l’écran. Mis à part l’histoire, Les Femmes du bus 678 peut aussi compter sur une jolie musique de fond, dépaysante, qui parvient tant bien que mal à nous immerger dans l’univers du Moyen-Orient (avec les décors et les acteurs, naturellement). Aussi, les seconds rôles s’avèrent brillants. Malgré tout, il y a certaines choses que l’on peut regretter, notamment un trop plein de volontés de la part du réalisateur, qui se traduisent parfois par quelques longueurs ; sans que le film se soit « chiant » pour autant. Néanmoins, il y a ces passages où l’on sent un certain bouillonnement – très certainement issu d’un sentiment de révolte de la part de Mohamed Diab –, sans que cela n’explose réellement et, pour le coup, l’ensemble paraît brasser de l’air. Bien entendu, cela reste insuffisant pour enlever aux Femmes du bus 678 son indéniable charme. En conclusion, Les Femmes du bus 678 m’aura permit de faire un peu connaissance avec un cinéma que je ne connais pas des masses – si ce n’est deux ou trois films égyptiens vus –, tout en apprenant bon nombre de choses concernant ce pays dont le présent m’était presque inconnu avant le visionnage de Tahrir, place de la Libération et les évènements du Printemps arabe. Un long-métrage qui s’inscrit dans sa génération de sorte qu’il représente un pays et ses états d’âme.