Danny Boyle est, à mon sens, l’un des réalisateurs les plus talentueux et les plus constants de ces dernières années (avec Christopher Nolan et David Fincher). Chacun de ses films présente un intérêt incontestable et propose un spectacle innovant sur un sujet souvent risqué (l’évocation de L’Inde dans "Slumdog Millionaire", le randonneur au bras coincé sous un rocher dans "127 heures" ou encore le Soleil qui s’éteint dans son chef d’œuvre "Sunshine"). Il récidive, une nouvelle fois, avec de "Trance" qui, sans être une réussite totale, porte bien la marque de son créateur. Tout démarre avec un braquage d’apparence classique, mais filmé avec une maestria des plus enthousiasmante, Boyle parvenant même à transcender l’utilisation de la voix-off, si souvent lourdingue dans les autres productions. Pourtant, "Trance" ne va pas tant s’aventurer sur le terrain ultra-balisé des voleurs de tableaux que dans l’univers, bien plus original, de l’esprit humain et de ses mystères. En effet, suite au choc subi par le héros, l’intrigue devient terriblement alambiquée, avec une succession de faux-semblants et un onirisme visuellement très intéressant. Boyle veut perdre le spectateur et c’est ce qui fait tout le sel de son film. Car, s’il est une chose à retenir de ce "Trance", c’est qu’il ne faut se fier à personne et que les repères habituels du public sont mis à rude épreuve. Les personnages sont, ainsi, formidables de densité et d’ambiguïté, du gentil commissaire-priseur qui va révéler une facette bien sombre (fantastique James McAvoy, une fois de plus) à l’hypno-thérapeute bombesque pas si désintéressée que ça (Rosario Dawson filmée comme un fantasme ambulant avec un plan en full frontal d’anthologie) en passant par le voyou en chef bien moins maître de la situation qu’il n’y parait (Vincent Cassel toujours aussi classe dans les productions étrangères). Ces personnages sont magnifiés par la mise en scène élégante de Danny Boyle, qui travaille toujours autant sa photo et sa BO… même si le rythme, laisse, parfois à désirer. En effet, "Trance" se perd, parfois, dans une intrigue un peu gnan-gnan avec un sérieux coup de mou à mesure que l’hypno-thérapeute prend de l’importance. Pour autant, il faut admettre que cette évolution à l’eau de rose est indispensable pour renforcer le choc de la révélation finale. L’intrigue souffre, également, de la nature intrasèque de son sujet puisque, même s’il est intéressant de se balader dans le subconscient du héros, ce voyage n’en reste pas moins limité et donne parfois l’impression d’un peu tourner en rond. Pour autant, et comme toujours, chez Danny Boyle, le réalisateur est parvenu à tirer le maximum de son sujet et nous rend son film franchement original et, surtout, surprenant dans ses révélations. "Trance" ne restera, certes, pas comme l’un des meilleurs films de son metteur en scène mais prouve, s’il en était encore besoin, qu’il est l’un des rares à encore oser s’aventurer sur des terrains aussi glissants et à parvenir à en tirer un tel spectacle.