Il fallait bien s’y attendre, Hollywood s’approprie la quête effrénée qui conduit à flinguer l’ennemi public number one d’Oncle Sam, seul responsable de la chute du World Trade Center, coupable unique de l’ensemble des maux terroristes, The All-stars Killer Devil en somme, j’ai nommé : Oussama Ben Laden ! La tâche est confiée à Kathryn Bigelow, experte es-TNT et action en tous genres, qui avait surpris son monde quatre ans plus tôt avec le très réussi Démineurs. Malgré le léger parfum de scandale bidon à sa sortie, Zero dark thirty a le style de sa réalisatrice, factuel, précis, à l’écart théorique de toute polémique. Eludant les morales, reniant le pathos, il concentre ses efforts sur l’enquête de Maya, obtuse insaisissable qui a voué dix ans de son existence à pister le Diable : Jeanne d’Arc moderne sure de son rôle, fière de son obsession monomaniaque, elle mène chasse à l’homme le plus haï d’Amérique – et tant pis si elle a loupé un truc, tant pis si elle se trompe de cible, tant pis si elle risque la vie de ses proches sur l’autel de ses saintes convictions. Contraste saisissant, la réalisatrice narre elle avec un détachement clinique les tortures, attentats et opérations commando, les argumentaires complexes mitraillés entre deux réunions, les listes interminables des noms exotiques et protéiformes qui font le corpus d’Al Qaida. Jessica Chastain s’en tire bien, le rendu est irréprochable, mais on peine à entrer dans cette traque obscure bourrée de ressentiment simpliste. On ne saura rien de ce qui a mené les divers personnages à ce qu’ils sont, chasseurs ou martyrs, chacun meurtrier sous couvert d’une mission divine ; on ne saura rien de ce qui peut pousser un homme à tout sacrifier pour une cause qui le dépasse. Et c’est bien dommage, car on connaissait déjà le reste.