Zero Dark Thirty retrace une traque acharnée de dix ans, aussi difficile qu'interminable, menée contre l'un des piliers du terrorisme. A mi-chemin entre documentaire et fiction, Kathryn Bigelow filme et relate cette lutte contre Ben Laden en deux heures et demi, moins de deux ans après les faits, avec très peu de recul historique, suivant au plus près enquêtes et investigations ayant permis sa mise à mort. Naturellement très controversé dés sa sortie, Zero Dark Thirty met pourtant en scène ce long récit de la manière la plus sobre possible, sans pour autant nous épargner ses détails même les moins glorifiants. Zero Dark Thirty n'est donc heureusement pas le film tendrement patriotique que l'on aurait pu craindre. Il s'agit plutôt d'une oeuvre très froide, pour laquelle la cinéaste a mis de côté les sentiments au profit d'une narration complexe mais réaliste. Dés l'introduction, on se retrouve dans le vif du sujet. Subjective mais frappante, un écran entièrement noir sur lequel défile la bande-son d'appels téléphoniques qui nous replongent douze ans en arrière, dans le cauchemar du World Trade Center ; une séquence qui ne laisse pas insensible. S'en suit une longue première partie, de loin la plus complexe et malheureusement la moins passionnante du métrage. La restitution de l'enquête étant particulièrement pointue, on aurait facilement tendance à se perdre pendant cette première heure. Difficile cependant de s'endormir. Et pour cause, la chasse du chef d'Al Quaida n'a pas été des plus inoffensives : on assiste donc à quelques séquences d'attaques terroristes particulièrement impressionnantes, mais également à plusieurs scènes de torture extrêmement difficiles, de violences morales autant que physiques, précisément les scènes responsables de certaines polémiques qui entourent le film. Jusqu'à quel degré la torture est-elle légitime ? Zero Dark Thirty n'encense délibérément en rien ces pratiques, et ne fait que dépeindre les faits tels qu'ils se sont produits. Et c'est cette neutralité qui fait l'une de ses forces. Le scénario ne prends d'ailleurs pas parti et n'épargne aucun des camps : on a pas vraiment affaire à une vision idéaliste de la CIA telle qu'on aurait pu l'attendre, une CIA qui ne faisait clairement pas de Ben Laden sa cible prioritaire. En revanche, le métrage s'appuie sur l'un de ses points forts : Maya, jeune analyste de la compagnie pour qui cette traque est une priorité. Interprétée par une Jessica Chastain juste et brillante, on ne connait pas grand chose de son personnage mais l'on s'y attache très vite. On la découvre uniquement dans sa vie professionnelle, autour de son but unique, le combat de toute une nation qui s'apparente finalement au combat d'une femme obstinée et sûre d'elle. Et puis, il y a le final. Celui que l'on attendait, qui avait fait la une de tous les médias il y a quelques mois. L'assaut final est de loin la scène la plus intense du métrage, mais aussi l'une des plus réussies. On entre en immersion totale, en même temps que les membres de la CIA qui n'ont qu'un seul ordre : abattre, sans faire de quartiers. Le film ne cherche pas à enjoliver ce qu'il s'est réellement passé, et nous délivre une reconstitution prenante et mémorable. Il était difficile de réellement captiver avec une histoire dont on connais déjà la fin, mais Kathryn Bigelow s'en tire avec les honneurs. A l'image de Maya au beau milieu de cette CIA majoritairement masculine, la réalisatrice s'impose une nouvelle fois et signe certainement l'un des films de l'année.