Animée par une conviction des plus exaltantes, Maya poursuit sans relâche les terroristes d’Al-Qaïda, avec toute une unité de la CIA. Tandis que bons nombres de ses alliés optent pour les hypothèses les plus simples, elle ne peut s’empêcher de croire que non, Ben Laden n’est pas encore mort. Le long-métrage est le récit de cette traque qui se clôturera avec la mort du grand manitou (mais ça, tout le monde le sait ; sinon, oubliez)… Zero Dark Thirty est le prolongement d’un Hollywood lancé en 1971 avec la sortie du French Connection de Friedkin, que l’on aura notamment retrouvé récemment avec le plutôt bon Argo. Un Hollywood prônant un cinéma-vérité, usant du réalisme à tout va. On ne saurait trop quoi penser en se rendant dans la salle et, à dire vrai, étonner avec un sujet que l’on aurait pu suivre au journal de 20h aura été un sacré défi pour Kathryn Bigelow, réalisatrice de l’oscarisé Démineurs. Ne pas ennuyer, ne pas trop en faire. Un défi, quoi. Par ailleurs, l’une des réussites majeures du film réside en sa capacité à captiver – pas une seule seconde l’ennui ne s’installe malgré les 2h30 de « ciné-reportage »… Bien entendu, la présence de Jessica Chastain – et Ben Laden lui-même sait qu’elle est très présente – ne peine pas à susciter l’attention du public, qui peut ainsi la voir livrer une de ses meilleures interprétations dans une courte filmographie très réussie (de Take Shelter à Des hommes sans loi). Pour sûr, ce n’est pas même son costume de CIA plutôt déplaisant qui ne saurait atteindre son charme. À ses côtés, nous retrouvons un Jason Clarke (Des hommes sans loi, Trust…) légèrement sadique, à l’origine d’un autre intérêt principal du long-métrage… Cet autre intérêt, c’est cette neutralité persistante qui fait que, contre toute attente, Zero Dark Thirty ne fait pas plus l’apologie des Etats-Unis – dont les méthodes d’interrogatoires particulièrement radicales auront de quoi rebuter tout autant que les attentats – que celle du terrorisme. La tension présente lors des scènes de violence permet à l’intrigue de ne jamais faiblir. Bien au contraire. C’est pourquoi Zero Dark Thirty s’avère en beaucoup de points intéressant. Intéressant dans la mesure où les péripéties successives ne nous proposent d’autres choix que suivre le mouvement. Intéressant parce que malgré l’issue fatidique, on se prend au jeu de Chastain et son personnage. Toutefois, les défauts du film de Bigelow n’en demeurent pas moins présents, à commencer par ses limites. Ses restrictions. Ce pur académisme qui, indéniablement, prend l’apparence d’une pompe à Oscars préfabriquée. Ce genre de longs-métrages, il nous en sort tous les ans sans exception, et la plupart des temps, cela fonctionne. Ce fléau du cinéma – la recherche exclusive de la récompense – empêche d’office à Zero Dark Thirty de jouer les cartes de la transcendance. De dépasser son sujet pour devenir un grand film. Un film qui ne serait pas oublié peu de temps après son visionnage. Aussi, cela vaut tant sur un point de vue scénaristique que du côté visuel. Car l’académisme de Zero Dark Thirty se situe tout autant dans son esthétique… Kathryn Bigelow nous fait voir ce que tout le monde connait déjà : de la poussière, des cailloux et tout ingrédient qui pourrait rendre cette quête aussi laide que réaliste – ce qui, pour le coup, s’avère plutôt réussi. De fait, la mise en scène ne possède pas vraiment d’autres atouts qu’un dynamisme efficace, du fait de ses plans globalement peu plaisants à regarder. S’il ne demeurera probablement pas dans les mémoires pour son originalité, Zero Dark Thirty demeure un véritable bon film d’action. Ce sera tout pour cette fois…