Detachment arbore un côté réaliste appuyé par une mise en scène digne d'un documentaire tout en restant de la pure fiction du début à la fin. Cependant ce réalisme fait défaut au film puisque ce dernier multiplie les clichés qui servent un propos finalement très banal. Ca tente de critiquer le système éducatif américain mais en fin de compte ce n'est qu'un pavé dans la mare... Le film donne cette impression de toujours tourner autour du pot, dénonçant tour à tour les instances supérieurs de l'éducation, les élèves, les professeurs, les parents d'élèves sans jamais convaincre ni être vraiment tranchant. Detachment survole son sujet principal à cause de la multitude d'histoires secondaires. Non pas que celles-ci soient fondamentalement inintéressantes mais elles sont trop nombreuses sur un laps de temps très réduit, ce qui atténue la puissance du propos.
Le film pose des questionnements sociaux sans jamais apporter une once de réponse. Il y a des choses vraies certes, surtout en ce qui concerne l'attitude de certains parents et leur incapacité à faire preuve d'un tant soit peu d'objectivité vis-à-vis du comportement de leurs chères têtes blondes. Le film a de très bonnes intentions mais celles-ci auraient été réellement louables si traitées avec davantage d'intelligence. Ici c'est surtout plus lourd qu'autre chose, que ce soit sur le fond ou sur la forme.
La forme tiens, j'ai d'abord envie de critiquer la mise en scène qui est juste dégueulasse. La réalisation stylisée de Kaye est d'une boursouflure sans nom, et voilà que je zoome et que je dézoome, et voilà que je change sauvagement de plan dans une même séquence, et voilà que j'accélère, et voilà que je fais des ralentis... Cette caméra ne se pose pour ainsi dire quasiment jamais ce qui donne vite lieu à une migraine, un plan dure en moyenne 3 secondes et même sur les 3 secondes ça ne cesse de bouger. Seuls les petits passages animés sont les plus réussis dans cette avalanche d'effets de style minables et ratés.
La bande originale est assez quelconque, elle sert quand même plutôt bien l'ambiance globalement. Une ambiance de spleen où le personnage principal Barthes erre avec un sentiment de détresse accentué par la morosité de son quotidien entre les journées au lycée, ses relations ambigues avec une collègue, une jeune prostituée, les souvenirs de son enfance et les visites régulières chez son grand-père atteint de la maladie d'Alzheimer. Barthes est un personnage intéressant, ambigu, sa relation amicale avec une jeune prostituée est plutôt touchante mais l'ennui c'est que tout est traité avec facilité. Son intégration au lycée et la rapidité avec laquelle ses élèves turbulents se sont assagis sont la preuve d'un criant manque de finesse scénaristique. Les problèmes sont réglés à vitesse grand V et cela sonne indéniablement faux.
Adrien Brody dans le rôle de Barthes est le grand point fort du film. C'est un acteur de talent qui apporte ici sa figure tout aussi atypique qu'authentique dans un rôle pour lequel il s'est réellement donné. Le casting est très réussi dans son ensemble, on y retrouve James caan, Lucy Liu, Tim Blake Nelson, Marcia Gay Harden, Christina Hendricks, autant d'acteurs de métier qui offrent de solides prestations au service de personnages qui hélas sonnent un peu creux hormis Barthes.
Tout n'est pas forcément à jeter dans ce film mais les défauts sont beaucoup trop nombreux face à des qualités trop réduites. Le film bénéficie tout de même d'un petit capital sympathie grâce à la grande qualité de l'interprétation et les quelques points positifs concernant certains relations entre les divers personnages mais l'ensemble lourd et beaucoup trop démonstratif. Le film peine à émouvoir malgré les quelques séquences tristes et tragiques. Je retiens quand même le pétage de plombs de Lucy Liu qui est pour moi la meilleure scène du film.
Detachment aurait pu frapper un grand coup mais en fin de compte il s'agit d'un beau pétard mouillé qui traite son sujet avec une superficialité assez gênante d'autant plus que ce sujet passionnant à la base aurait pu prendre le pas dans mon esprit sur une esthétique pénible à souhait. Les intentions de départ et les quelques bonnes choses affichées ne suffisent pas à rendre le tout parfaitement honnête, le grand misérabilisme ambiant est assez gênant en fin de compte et le traitement de sujets tels que l'inceste, le suicide, la violence et autres est beaucoup trop faible. Kaye a voulu parler de trop de choses et finalement ça coince.
Ce film divise et divisera encore mais je doute qu'il passe à la postérité, pour ma part l'exercice est plus qu'en demi-teinte et ne se révèle pas vraiment marquant, dommage.