Encore un film pour faire le procès du système éducatif ? Encore un film pour souligner l’héroïsme des professeurs confrontés chaque jour à la pire racaille de l’univers ? Oui et non. Si l’on nous convie bien à une plongée vers cet enfer moderne qu’est l’école, ce n’est pas cette fois pour en mettre en valeur les effets burlesques, ni pour tenter de la sociologie rappeuse (rappelez vous Esprits rebelles et Gangsta’s paradise), encore moins pour dessiner à traits fins un monde dépassé (comme dans le brillant Entre les murs) mais bien pour un voyage violent et éprouvant vers la fin de l’humanité. Rien que ça.
Car dans le monde du réalisateur Tony Kaye, l’école est un film d’horreur. On pensait avoir déjà tout vu jusqu’à la caricature et le voyeurisme, mais ici, la vision sans compromis dépasse toutes les limites. Les élèves crachent sur les profs, les violentent en toute impunité, ne semblent s’intéresser à rien. Les parents sont à leur côté dans la lâcheté, l’ingratitude et l’hystérie. Les profs sont dignes, au mieux, complètement dépassés la plupart du temps et tournent aux antidépresseurs entre deux pétages de plomb. On ne comprend pas très bien pourquoi utiliser l’école pour refaire Apocalypse Now, mais c’est bien cela le fond de l’histoire. On ne peut presque plus parler de cliché, tout étant plutôt outrancier et exagéré.
C’est dans ce charmant décor que le réalisateur lâche Adrian Brody et sa nonchalance pour un remplacement de quelques semaines. Et le regarde se dépatouiller avec une ado dépressive amoureuse de lui, et quelques caïds qui le mettent à l’épreuve. Plus le film avance, et plus le parti pris totalement nihiliste s’impose, et l’on regarde doucement couler le corps éducatif et ces élèves qui ne feront pas grand-chose de leur vie. Tout le monde hurle : à l’école, dans les couloirs, chez soi, sur une pauvre infirmière. Le monde s’écroule, semble-t-on nous dire, et personne n’y changera rien.
La mise en scène est au diapason, lourde, appuyée, remplie d’effets, de tunnels de voix-off, comme pour mieux embaumer ce collège d’une odeur de fin du monde. On pourrait saluer l’ambition formelle du film, mais il est le plus souvent tape à l’œil et surtout, il tourne à vide. Car sans point de vue sur ce qu’il montre, Tony Kaye se perd rapidement dans les méandres d’une histoire qui tourne en rond, comme s’il voulait cacher le fait qu’il n’a finalement pas grand-chose à dire.
On reconnaîtra au réalisateur d’avoir un sacré carnet d’adresses, ce n’est pas le premier venu qui peut rassembler un casting pareil (dont Bryan "Wlather White" Cranston qui passe jouer une courte scène), ce qui permet parfois de faire passer la pilule. Autre rayon de soleil, la belle histoire à la fois dure et tendre entre Adrian Brody et cette jeune prostituée. Sorti des murs de son école, le film trouve un rythme, une patte, et crée des personnages, des enjeux, des sentiments. C’est ce film là qu’on souhaiterait voir, il serait magnifique.
Peine perdue, puisque Tony Kaye revient entre les murs pour un épilogue noir à souhait, pas très loin d’une fin du monde programmée. Mais au moment de finir son film, il offre au spectateur un dernier et magnifique rayon de soleil. Belle mais maigre consolation devant ce film curieux et hors normes. A défaut d’être prenant, ou même réussi.
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