Depuis 70 -dites donc ça nous rajeunit pas! et ses débuts tonitruants avec Kes et Family Life, Ken Loach ne s'est intéressé qu'à une chose: la vie difficile des prolos irlandais. Généralement, plutôt sur le mode dramatique -et voilà qu'aujourd'hui, il se moque d'eux, gentiment, et qu'on se moque avec lui.
Tribunal. Un défilé incroyable de bras cassés, bagarres, petits larçins, troubles divers sur la voie publique, généralement sous l'effet de l'alcool. Ces pitoyables lascars sont condamnés à 300 heures de travaux d'intéret collectif. Parmi eux, il y a Robbie (Paul Brannigan). Lui, son problème, c'est la violence, qui l'a conduit en prison pour avoir gravement blessé, sans raison, à la sortie d'une boite, un autre garçon. La violence, c'est un problème de famille. Régulièrement, une famille ennemie vient les castagner -et vice versa. Il se fait aussi tabasser par la tribu de sa copine Leonie, qui ne voit pas leur liaison d'un bon oeil. Et, justement parce que Leonie (la gironde Siobhan Reilly) va avoir un bébé, qu'il voudrait s'installer avec elle dans une vie "normale", il veut s'en sortir, sans y croire.
Le bon samaritain qui prend en charge la bande de zozos, c'est Harry (John Henshaw), une réserve inépuisable de patience. Et une passion pour les whiskys, les tourbés, les vieux Islay, qui lorsqu'on les goûte sont un trésor de parfums et de flaveurs.... Il cherche à faire partager sa passion à ses lascars, mais le seul qui accroche, et comment, c'est Robbie. Il va chercher des livres, il se procure des échantillons, il se fait le nez et le palais.
Voilà qu'on apprend qu'on vient de retrouver un petit fût de Malt Mill, distillerie mythique trop vite fermée, et qu'il va être mis aux enchères. Comment Robbie, "aidé" de trois copains, habillés en kilts et sans rien dessous -un très très crétin, un moyennement crétin et une fille, experte en petite fauche- va se faire admettre à la vente et arriver à soustraire, à l'inestimable fût, une bonne petite part des anges -des anges comme ça, c'est du spécial! Comment Robbie arrivera à trouver un travail dans le milieu et mener enfin une vie honnête avec Leonie, c'est le sujet de cette comédie, charmante, originale, et sympathique. Quand Loach ne cherche plus à nous faire réfléchir, voire pleurer, il révèle un côté spirituel tout a fait appréciable.
Allez plutôt voir ce film en fin d'après midi, parce qu'à la sortie, je vous préviens, vous aurez la bouche sèche (ÂÂÂh ces séances de dégustation!) et vous vous précipiterez sur votre bouteille de Lagavulin ou de Caol Ila (mon préféré). Il y a un vrai côté documentaire sur la dégustation des whiskys en général et des Islay en particulier (vous savez comment on fait sauter la bonde, bien emmaillotée dans une mousseline, avec des coups de marteau de chaque côté?) qui réjouit les amateurs...
A la santé du grand Ken!