Entre Looking for Eric et un Road Irish de pas terrible mémoire, je ne misais plus grand chose sur le cinéma de Ken Loach. Cela, c'était avant la part des anges, son dernier film, présenté à Cannes en sélection officielle et qui a bien séduit le jury du président Nanni Moretti puisqu'il lui a decerné le prix du jury.
J'avais donc hate d'aller voir ce film dès sa sortie en salles pour vérifier si Loach avait repris du poil de la bête. Et faisons taire le suspens, le film m'a laissé une bien agréable impression.
Loin d'être une simple comédie frivole comme sa présentation à Cannes semblait le laisser penser, La Part des Anges ( très beau titre qui fait référence à l’infime part d’alcool qui s’évapore des fûts lors de la distillation) nous plonge dans un univers familier au cinéma de Ken Loach, la banlieue britannique, plus précisemment celle de Glasgow avec ces marginaux, un peu laissés-pour-compte du système. On y fait la rencontre de Robbie, un délinquant à ses heures perdues et jeune père de famille depuis peu. la-part-des-anges-2012-23874-1553735876
La première demi heure d'ailleurs n'est d'ailleurs pas vraiment légere, avec notamment une poignante scène de confrontation entre Robbie et sa victime, et si on ne savait que la suite virerait à la comédie, on penserait que Loach nous refait un drame social dont il a le secret, mais le film va ensuite prendre un tournant bien moins sombre lorsque Robbie va se découvrir, totalement par hasard, un talent dégustateur de whisky capable d’identifier les cuvées les plus exceptionnelles.
Les scènes de dégustation sont d'ailleurs absolument savoureuses et sonnent totalement authentiques (avec un merveilleux personnage de gouteur écossais) et on suit avec un vrai plaisir la virée de Robbie et de ses acolytes, ses gentils bras cassés qui faisaient les travaux d'interet généraux avec lui.
Comme dans ses meilleures oeuvres, Loach touche juste grâce à son regard plein d'humanité sur ces êtres humains (le mentor de Robbie notamment, qu'on trouve que dans les films britanniques), ni anges, ni démons, et grâce aussi à des dialogues d'excellente qualité.
Par ailleurs, Loach sait placer sa caméra là où il le faut pour qu'on soit à bonne distance des personnages, dans une sorte de complicité amusée et amusante. La fable sociale est même assez belle, avec ce groupe de jeunes délinquants sauvés par un ange gardien, qui va prendre sous son aile un petit protégé qui se découvre ce véritable don pour l’appréciation du whisky.
Surtout, Loach ne verse pas dans le manichéisme, défaut qui est parfois le sien :ici ,sous couverte de farce, sa charge anticapitaliste est subtile et passe comme une lettre à la poste, et le dénouement, peu moral, est assez jouissif.http://www.baz-art.org/archives/2012/07/13/24676674.html