Ken Loach alterne les hauts et les bas. Il est ici toutefois dans son meilleur, offrant, avec la part des anges, une nouvelle comédie sociale, s’il en est, fidèle à son mode de fonctionnement. Le film offre ce que Ken Loach sait faire de plus pertinent, le mélange d’acteurs professionnels et d’amateurs, une peinture franche des richesses et misères de la Grande-Bretagne profonde, un récit simple d’accès mais socialement engagé. Ici se mélangent les petits mondes des travaux d’intérêts généraux et l’univers de la filiale du Whisky. Détour donc vers l’Ecosse, pays des kilts, qui n’ont pas été oubliés, de la tourbe et des banlieues industriels miséreuses. Oui, si Danny Boyle avait tué l’innocence de ce pays de prime abord touristique avec le très bon trainspoting, Loach lui, plus fort de ce côté-là, nous délivre le pour et le contre, les merveilles comme la misère sociale.
L’on commence donc par faire connaissance avec le milieu déliquescent de Glasgow, d’une poignée de petite frappe sans le sous, victime d’un système judiciaire qu’ils provoquent eux-mêmes et faisant connaissance lors de travaux d’intérêts généraux. Des amitiés naissent entre les exécutants de peines, mais surtout avec leur responsable, le brave Harry, faisant découvrir à un petit groupe insolite les richesses du Whisky. De là, s’entame un récit aventureux aboutissant de manière certes conventionnelle mais aussi amusante. Bref, des bas-fonds de la banlieue de Glasgow, de la drogue, des bagarres, vers une reconnaissance dans le milieu du Whisky, un alcool national typique synonyme ici de porte de sortie d’une vie sans lendemain.
Les acteurs, pour la plupart faisant leurs premiers pas, sont bons, voire très bon pour ce qui est du personnage principal. Bref, Loach creuse dans la population locale à la recherche de vécus pouvant être utiles à son film et déniche une bande d’écossais aux allures du cru, aux tronches indéboulonnables. La bêtise de certains fait rire, la motivation d’un autre amène le récit et leurs destins, liés, même si celui de Robby prime, est la source d’interrogation. Coté réalisation, la part des anges, par ailleurs un formidable titre, offre quelques beautés paysagères d’exception, nous faisant naviguer entre Ecosse rurale et Ecosse grise, pauvre et industrialisée.
La part des anges est donc un film de très bonne qualité, un film juste, parfois drôle, parfois émouvant, bien interpréter, je pense notamment à la confrontation victime/agresseur. Le parcours du jeune Robby et de ses compagnons s’avère plutôt intéressant, ancré dans une société que Ken Loach s’efforce de dépeindre le plus précisément possible, en dévoilant tous les aboutissants. Une comédie dramatique qui nous rappelle que Ken Loach est toujours bien présent, même si son dernier Irish Road s’était avéré très décevant. 14/20