Cela fait onze ans que le personnage de Tom Clancy (auteur de romans d’espionnage qui a beaucoup inspiré le cinéma et les jeux vidéo, avec notamment Splinter Cell), le dénommé Jack Ryan, n’était pas apparu sur nos écrans. Pas après l’échec qu’avait été La somme de toutes les peurs ! Une bonne décennie donc sans voir notre cher analyste de la CIA interprété par Alec Baldwin (À la poursuite d’Octobre Rouge), Harrison Ford (Jeu de guerre et Danger immédiat) et Ben Affleck (La somme de toutes les peurs). Mais connaissant Hollywood, il était fort à parier que le personnage allait s’offrir une petite résurrection. Et c’est chose faite avec ce nouvel opus, The Ryan Initiative, qui sort tout juste sur nos écrans.
Et nous pouvons dire que ce film veut marquer le pas ! Car pour la première fois de la saga cinématographique, il s’agit d’un script original, qui ne reprend ni n’adapte un des treize livres de la série littéraire de Clancy. Une histoire qui a nécessité l’intervention de quatre scénaristes, dont David Koepp (Jurassic Park, Mission : Impossible, Panic Room, Spider-Man, La Guerre des Mondes, Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, Men in Black 3) et Steven Zaillian (La Liste de Schindler, Danger immédiat, Mission : Impossible, Hannibal, Gangs of New York, American Gangster, le Millénium de David Fincher). Autant dire que ce sont des grands habitués des blockbusters hollywoodiens !
Mais après avoir vu The Ryan Initiative, une question nous vient aussitôt. Comme la plupart des gros films qui s’offrent les services d’autant de personnes à l’écriture : comment un tel nombre de scénaristes normalement expérimentés arrivent-ils à livrer une trame aussi basique, peu travaillée, frôlant souvent le ridicule ? Alors que sur le papier, The Ryan Initiative avait de quoi relancer la saga ! Proposant de revenir aux sources du protagoniste : son entrée à la CIA, l’action qui lui a permis d’y parvenir, ses convictions… Au lieu de cela, on nous sort un film qui a plus de 20 ans de retard ! Le long-métrage a beau démarrer par une évocation des attentats du 11 Septembre et un court passage en Afghanistan, on se sent pourtant revenir au temps de la Guerre froide, où les méchants Russes étaient… très méchants et les Américains… les sauveurs du monde !
Bah alors, Kenneth Branagh ? Vous nous avez annoncé un film qui devait sortir des sentiers battus ! Faudrait revoir votre copie finale, tant The Ryan Initiative est un cliché à part entière ! En bref, Jack Ryan veut défendre son pays quand il assiste (via la télévision) à l’effondrement du World Trade Center, s’engageant par la suite dans les marines. Puis il est victime du crash d’un hélico, avec pour conséquence des séances de kiné pour tenter de remarcher (blessures qui, bien évidemment, disparaîtront totalement de l’histoire) où il rencontrera sa future copine et son mentor qui va le faire entrer petit à petit dans la CIA. Amenant notre héros, lors de sa première grande mission, à sauver son amoureuse et son pays. Le tout noyé dans des convictions hautement patriotiques. Bref, un scénario d’une banalité presque indigeste, que tentent de masquer des sujets qui cherchent à rendre complexe la trame mais qui, en réalité, n’y parviennent jamais. Juste à nous donner un mal de tête non mérité. Je veux bien sûr parler des références économiques dont le film nous lâche sans arrêt et sans explication (l’algorithme de machin, surveiller les flux de « j’sais pas quoi »…), perdant le spectateur en cours de route. Et tout cela pour se permettre quelques invraisemblances assez grotesques (comme Ryan qui devine tout de suite, ou encore quand il appelle sur son portable alors qu’il pilote une moto à fond la caisse). Même les films qui sont ici grandement copiés (principalement Mission : Impossible et Jason Bourne) n’étaient pas allés jusque-là !
Et pourtant, The Ryan Initiative a en poche bon nombre d’atouts pour être un divertissement de qualité. À commencer par un casting qui, certes ne casse pas véritablement trois pattes à un canard (la faute aussi à une Keira Knightley qui se montre être une véritable tête à claques inutile dans ce film ; et ce n’est pas une remarque misogyne, mesdames !), possède tout de même une certaine prestance. Chris Pine qui, à défaut de surpasser Harrison Ford, s’en sort bien mieux que Ben Affleck en étant un Jack Ryan assez charismatique. Kevin Costner (qui revient gentiment sur le devant de la scène après plusieurs années d’absence et un Man of Steel mitigé) qui possède toujours autant de classe à l’écran. D’ailleurs, son intervention au casting n’est pas vraiment due au fruit du hasard, l’acteur ayant été casté à l’époque d’À la poursuite d’Octobre Rouge pour le rôle de Jack Ryan (qu’aura finalement Baldwin). Joli clin d’œil ! Et enfin, Kenneth Branagh, acteur/réalisateur, qui se révèle être fort convaincant en « méchant Russe ».
Convaincant aussi dans sa manière de monter un film d’action, bien loin de la mollesse dont il avait fait preuve sur Thor. D’accord, il n’est pas encore au point pour ce qui est de filmer une séquence où les personnages bougent, sa caméra gesticulant dans tous les sens un peu trop frénétiquement (même Michael Bay n’est pas aussi hystérique). Mais la musique de Patrick Doyle sait donner du punch (cela rappelle vraiment Jason Bourne !), les séquences d’action sont montées avec énergie… En clair, après 30 minutes d’une trop lente introduction, The Ryan Initiative démarre enfin sur un rythme entraînant, qui ne faiblit aucunement et ce jusqu’au générique de fin. Car, à défaut d’être un film original, ce Jack Ryan version 2014 reste un film d’action plutôt efficace, au-dessus de ce qu’était Jason Bourne : l’Héritage.
Mais malheureusement, cela ne suffira pas à The Ryan Initiative pour être le divertissement de qualité qu’il aurait pu être. Celui qui aurait démarré l’année sur les chapeaux de roue. Celui qui aurait procédé à la renaissance d’un personnage emblématique de l’espionnage. Celui qui aurait sans l’ombre d’un doute lancé une nouvelle saga (cela reste à surveiller). Au final, The Ryan Initiative est une preuve de plus qui confirme qu’Hollywood reste au point mort. Que les studios ne savent plus se renouveler (à part quelques exceptions) au point de copier ce qui a déjà été fait, et en moins bien. Du coup, on passe à côté, sans regret ! Amusant mais en aucune façon marquant !