La Paramount tente un coup qui n’est franchement pas audacieux mais qui pourrait une fois encore faire de la firme l’une des toutes grosses productrices de franchises. Revoici donc Jack Ryan, l’illustre analyste des renseignements américains, personnage phare de la bibliographie du regretté Tom Clancy. Pour rappel, Ryan fût interprété à quatre reprises au cinéma, successivement par Alec Baldwin, dans le formidable A la poursuite d’Octobre rouge de John McTiernan, dans les deux bons opus de Philip Noyce par Harrison Ford puis par Ben Affleck dans le très moyen La somme de toute les peurs. C’est donc bien d’une relance dont il s’agit, même si jamais la continuité entre les différents métrages n’aura été assurée. On reprend ici les choses à zéro, propulsant l’espion, célèbre pour son esprit d’analyse, sur sa première mission de terrain, en plein Moscou.
Oui mais voilà. A quatre reprises, Jack Ryan aura représenté l’archétype du héros vulnérable, de l’homme improbable et aussi sensible que naïf face à la violence de son prochain. Voilà qui était non seulement la force, la pointe d’originalité, des opus antérieurs, mais aussi des romans de Tom Clancy. Ici, Kenneth Branagh, improbable réalisateur ayant déjà officié sur Thor, grosse production de l’écurie Marvel, fait de l’analyste un héros aussi saugrenu qu’increvable. Chris Pine, qui trouve toujours une petite place pour ce qui est d’être désagréable à l’écran, n’est en rien comparable avec la définition même de son personnage. L’acteur, bouffi d’orgueil, quoique parfois presque correct, aligne les tartines, les fusillades et les grands moments de lucidité franchement bidonnesques. Pour parler franchement, le Jack Ryan nouveau est tellement intelligent, tellement rapide d’esprit, qu’il ferait passer ses patrons pour des brêles. Accessoirement, le bonhomme est si doué dans l’action qu’il donne l’impression de pouvoir surclasser tous héros d’action modernes.
Voilà que le frêle agent des renseignements, voilà que le timide mais futé bureaucrate de la CIA, habilement exploité par le passé, se transforme en bourru d’action, en Chuck Norris des temps modernes. N’importe quoi. Si l’on comprend la démarche de la Paramount, peu respectueuse pour autant que l’argent puisse affluer, difficile de pardonner un tel massacre. Historiquement, le film d’espionnage aura toujours su évoluer, que ce soit au travers du pilier qu’est James Bond ou aux travers de très belles compositions indépendantes. Ici, c’est la régression brute, ou l’on piétine tout ce qui fît la force des aïeux dans le domaine. Voilà donc un héros antipathique, nouvellement débarqué et dont on espère sincèrement qu’il s’essoufflera et que l’on n’aura plus à revoir. Décidément, Kenneth Branagh est meilleur acteur que metteur en scène. Si lui-même est le seul interprète du film à tirer son épingle du jeu, il réalise tout de même pour l’occasion quelques scènes parmi les plus catastrophiques de l’année écoulée, je pense notamment à cette abominable scène d’analyse en plein vol.
Là autour évolue Kevin Costner, lui dont on attend un retour triomphal. Force est finalement de constaté que le bonhomme est mauvais au possible, contre performance regrettable alors même que le célèbre acteur hollywoodien se ridiculise dans l’actualité télévisée en louant les vertus d’une fichue salade de thon en boîte. Quant à Keira Knightley, inutile de dire que les espoirs en ce qui la concerne sont restés crochés au sortir de Never let me Go. Bref, inutile de s’appesantir d’avantage, le renouveau de Jack Ryan est une sinistre fadaise, une très pâle copie de film d’espionnage au scénario aussi improbable que bidon. Passons donc à autre chose sans nous retourner. 03/20