Parmi les réalisateurs britanniques, je dois dire que Martin McDonagh et son frère John Michael sont ceux en qui je porte beaucoup d'espoir et qui jusqu'à maintenant me donne envie de suivre leurs carrières avec attention. Martin m'avait fait forte impression avec son premier film, In Bruges, qui était fort réussi même si son deuxième film, Seven Psychopaths, était moins réussi et moins original tout en restant assez sympathique. Pour son frère John Michael ce fut le contraire, son premier film The Guard était sympathique mais pas transcendantal faute d'un rythme aléatoire et de quelques longueurs mais il confirme son talent avec ce deuxième film, celui qui est concerné par cette critique. Scénarisé par lui-même le film ne sera ni une critique de la religion ni une glorification de celle-ci, c'est avant tout l'étude du comportement humain et de la déliquescence d'une époque. Pour cela il brodera des personnages secondaires déviants mais cocasses qui iront des personnalités exécrables et irrécupérables, même si ses personnages ont tendance à tomber dans les stéréotypes, c'est voulu mais cela les empêche d'être plus que leurs fonctions même si c'est aussi voulu par la déshumanisation de la société dépeinte par le film, ça tend à rendre leurs interactions trop mécaniques et téléphonées. Mais néanmoins quelques uns de ses personnages sortent du lot, ceux dont une rédemption les attendent au bout du chemin, en ça on retiendra les rôles très touchants de la fille du prêtre, de la veuve, de l'homme riche et du vieil écrivain qui hérite des meilleurs scènes du film. Ces scènes sont moins dans l'ironie mais permettent de donner corps au film en s'attaquant à l'aspect tragique de l'histoire et en deviennent magnifiquement écrites et très touchantes. Pour le reste je dois avouer que j'ai adoré l'humour british qui s'en dégage, les répliques pince-sans-rire du prêtre sont savoureuses tout comme ses réflexions métaphysiques et existentialistes. D'ailleurs le personnage du prêtre est magnifique, clairement un des personnages les plus nobles que j'ai vu cette année au cinéma. Et j'ai beaucoup aimé que cette noblesse ne vienne pas de l'aspect religieux mais bien de ses fondements à lui, de ses choix et de sa morale car c'est avant tous un homme comme les autres, il à ses défauts mais il se bat pour ce qu'il estime être juste. Ensuite la construction même du film est intelligente créant un décalage avec notre monde car ici le film s'amuse à jouer avec les points de vue et la notion de réel, au début le prêtre nous parait normal dans une société déviante avant que le film engendre un retournement bien pensé lors d'une conversation anodine et innocente entre le prêtre et une jeune fille, ou il nous sort brusquement de notre cocon pour nous plonger le nez dans la boue. Alors qu'on croyait le prêtre être un érudit respecté et écouté par les autres, on se rend compte que c'est un homme dont on se moque en raison de sa foi et qu'il doit faire face aux mauvaises réputations des prêtres pédophiles qui pullulent en Irlande. De plus le film aborde ce sujet avec beaucoup de finesse sans tomber dans le pathos et la prise de conscience du prêtre de la société qui se détériore, ou ne les gens ne croient plus en rien, ne respectent plus rien et ne font que s'autodétruire, est juste et bien amené. Bon le film n'évite pas quelques défauts comme certaines scènes assez dispensable, voire même inutile ( la visite rendu à un tueur cannibale ) ou une confrontation finale qui n'est pas à la hauteur du reste mais par dessus ça le film évite la propagande religieuse, ce qui est un gros plus pour moi qui ne suis pas croyant, et permet d'avoir quelques fulgurances de réflexions métaphysiques grâce à des répliques très bien écrites et pensées ainsi que d'une conclusion poignante.Le casting est quasiment parfait même si certains acteurs ne s'extirpent pas de ce qu'ils font d'habitude comme Aidan Gillen qui nous joue la même partition que dans Game of Thrones. Sinon pour le reste c'est du sens faute avec une Kelly Reilly solaire et touchante et Brendan Gleeson dans le meilleur rôle de sa carrière. Il est absolument poignant dans son interprétation en émotions retenus et en finesse ou il arrive à faire passer un torrent d'émotions par la force de son regard. La réalisation enchaîne une BO très inspirée, une photographie sublime qui magnifie les plans sur les paysages superbes de l'Irlande tandis que la mise en scène très contemplative de John Michael McDonagh est d'une maîtrise et d'une efficacité imparable. Il ne cherche pas l’esbroufe et fait dans le classique mais cela rajoute de la force et de l'authenticité au récit, en plaçant sa caméra à hauteur de son personnage il parvient mieux à capter les émotions et les regards de son protagoniste. En conclusion Calvary est un très bon film qui est à la hauteur de son personnage principal, noble, drôle, touchant et charismatique. L'écriture est intelligente et fine, la mise en scène impeccable et le casting au top. John Michael détrône donc son frère dans mon estime en réalisant un vrai coup de maître et en offrant à Brendan Gleeson, acteur que j'apprécie beaucoup, le plus beau rôle de cinéma depuis pas mal de temps déjà, que ce dernier s'empresse de magnifier. Un très beau film !