John Michael McDonagh poursuit son petit bout de chemin aux côtés de son acteur fétiche, l’excellent Brendan Gleeson avec Calvary. Après le remarquable L’Irlandais, comédie policière à tendance dramatique, le cinéaste revient, les deux pieds toujours enracinés dans le terreau irlandais, avec un film un tantinet moins guilleret. Dès les prémices du long-métrage, nous voilà renseigner sur la nature du récit qui nous est proposé. Un prête de l’Eglise catholique irlandaise, toute puissante institution qui collectionne les casseroles, au pays de trèfles et de la Guinness, se voit menacer de mort, au confessionnal, par un mystérieux individu. Ce même prête, respectable avant toute chose, devient, compte-à-rebours de sept jours ouvert, la cible d’un vengeur qui semble en vouloir à la maison du Christ pour des actes de pédophilie passés. Innocent, au même titre que l’est un enfant dans les mains d’un gaillard mal intentionné, notre bon prêtre semble inéluctablement devoir préparer son départ pour l’au-delà.
Drôle de postulat, donc, qui permet au cinéaste de passer en revue les vices de petit peuple d’Irlande, dans une lente et métaphorique avancée vers la date buttoir. En dépit de ce que l’on pourrait en penser, à priori, Calvary est un film profondément respectueux des valeurs chrétiennes. Bien qu’utilisant comme argument choc la pédophilie, un fait sinistrement avéré, le réalisateur, par l’entremise de son acteur, s’applique à faire de son personnage principal un véritable homme de foi, d’où cette absence de rébellion la sentence imminente décrétée. En effet, par l’entremise d’une vie sociale qui lui permet de dialoguer avec tout un chacun, dans sa communauté, notre bon prêtre, tout en tentant de découvrir, malicieusement, qui est son potentiel futur bourreau, continuera comme si de rien n’étant, de faire passer la bonne parole, redresseur de torts en soutane qu’il est.
Sur le rythme lancinant d’un drame psychologique, le metteur en scène fait valoir la qualité de sa mise en scène, le cadrage, notamment, est magnifique, son bon goût pour les décors naturels, ici splendides, et finalement son sérieux dans les dialogues, dans les métaphores et autres vérités que son film véhicule. Malgré cette forme d’habilité, cette sérénité artistique, le film manque pourtant de substance, de vie, d’énergie. D’avantage une errance qu’une trépidante aventure psychologique, Calvary s’enlise dans les bonnes intentions tant et si bien qu’à terme, on se moque quelque peu de savoir qui veut la peau du curé. Malgré un final plutôt culotté, John Michael McDonagh ne parvient pas à faire rebondir son intrigue, une intrigue qu’il déroule pépère devant nos yeux dans une démarche artistique et non pas constructive.
Calvary n’est donc pas le retour gagnant d’un réalisateur ayant pourtant un fort potentiel. Qu’on se le dise, L’Irlandais était singulièrement meilleur, du moins plus attrayant. Sans doute plus personnel, Calvary tente d’imposer une vision qui ne sera sans doute pas celle de la majorité. Pour autant, nous ne pouvons que saluer la prestation de Brendan Gleeson, bluffant en prêtre de campagne, sans compter sur la présence plutôt intrigante, quoique convaincante, de Chris O’Dowd. 09/20