Curieux objet qui oscille entre fiction et documentaire, vrai et faux et balade le spectateur de concert avec cette bande de potes, vêtus de rouge et membres d'une fanfare, partis faire la tournée des carnavals. Une échappée qui s'éternise et se transforme en dérive existentielle et philosophique. Synchrone avec cette dualité, l'impression est double, ou plus exactement elle évolue. Et comme ce changement s'opère du négatif au positif, on quitte la salle plutôt satisfaits, et pour tout dire, remués et émus. D'emblée, ces types braillards qui partagent avant tout le goût de la fête avec force picole et clopes, en s'envoyant à l'occasion quelques rails de coke dans les narines, paraissent lourds et beaufs, une bande d'adolescents attardés faussement régressifs. On craint d'abord que tout ceci tourne en rond, empilant les anecdotes croustillantes et les péripéties imbibées des gars en goguette. Mais plus l'escapade se prolonge avec des conditions climatiques plus difficiles, l'usure de la promiscuité et de la répétition, plus les fissures apparaissent et avec elles, les motivations et les ressentis de chacun qui confie, face à la caméra, bien après l'issue de l'aventure, ce qu'elle a apporté, voire modifié ou révélé. Le retour à l'état presque sauvage (ils campent, laissent leur barbe pousser et ne se lavent quasiment plus jamais) s'accompagne d'une communion presque organique avec la nature et les éléments. Le film s'épure petit à petit, met en scène les grandes interrogations sur le sens de la vie, et accessoirement sur la pérennité des utopies, suprême oxymore qui ne peut débouche que sur le retour à la 'normalité ou sur une sorte d'évaporation métaphorique, poétique et mystérieuse, qui fait en l'occurrence tout le prix de ce film belge hybride qui parvient à défricher, sans esbroufe, des territoires singuliers et inédits.