Martin Provost s'est fait connaître essentiellement par Séraphine, incroyable fusion entre un personnage invraisemblable, Séraphine, et Yolande Moreau, une actrice qui ne l'est pas moins.... Avec Violette, il signe un film d'un rare sérieux, d'une grande honnêteté, passionnant par certains côtés quand on aime l'histoire de la littérature mais qui paraît parfois un peu long (2 h 20....) parce que, voilà: Violette Leduc est bien loin d'être aussi sympathique que Séraphine.....
Le premier exploit est d'avoir réussi à enlaidir Emmanuelle Devos, tant qu'elle apparaît aussi laide que l'était son modèle.... La Devos n'est intrinsèquement pas belle; elle ressemble à un mérou... Mais voilà, elle a ce quelque chose qui la fait flamboyer, et qu'elle a su complètement éteindre pour incarner l'insupportable Violette.
Violette Leduc, bâtarde qui entretient avec sa mère (Catherine Hiegel) une étrange relation de détestation et d'amour. Elle lui en veut -de l'avoir faite bâtarde, de l'avoir faite tout court, mais ne peut s'en passer. Elle découvre son homosexualité dès le pensionnat -mais en fait, s'amourachera aussi d'hommes, le plus souvent d'homosexuels, comme si ses amours ne pouvaient être que des désastres. Au début du film, on la voit partageant la vie, pendant la guerre, en Normandie, du peu ragoûtant "juif -collabo" Maurice Sachs, auquel Olivier Py prête une étonnante vie (il y a même une ressemblance physique). Ils vivent de marché noir, qu'elle continuera à pratiquer dans l'après guerre. Plus tard, ce sera le riche parfumeur Jacques Guérin (Olivier Gourmet). Et quand elle aime, c'est Vénus tout entière à sa proie attachée! Elle pleure, elle gémit, elle s'accroche, elle s'offre.... Mais un objet d'amour autrement fascinant va s'offrir à elle: Simone de Beauvoir. Tout d'abord, disons que Sandrine Kiberlain (bien loin de 9 mois ferme....) est épatante. Comment elle rend crédible cette femme froide, distante, supérieure -mais toujours intéressée dans ses choix! Beauvoir a découvert le talent d'écrivain de Leduc. Mais, ce que le film montre avec une grande finesse, et je crois bien que c'est la première fois, c'est que si Violette doit tout à Simone, Simone doit aussi beaucoup à Violette. Simone théorisait la sexualité féminine. Elle pouvait user de mots crus -mais toujours académiques, cliniques. Violette crachait tout en vrac, impudeur, fluides corporels. Elle illustrait les exposés savants de la philosophe. Simone était le prof, Violette faisait les travaux pratiques; Simone disait que les chats font pipi, Violette vidait la litière.... On peut donc penser que le soutien constant, et financier pour commencer de madame de Beauvoir n'était pas dépourvu d'arrière-pensées. Était elle consciente de ce que la langue de Leduc était bien supérieure à la sienne? Pas sûr.....
Par Sartre, Leduc fera la connaissance d'un marginal comme elle, Jean Genet, pittoresquement interprété par Jacques Bonaffé. Mais autant l'un est cynique, autant l'autre ne vit que dans l'apitoiement sur elle. Collante, pleurnicharde, insatisfaite, -ses livres ne se vendent pas, ses livres ne sont pas assez mis en valeur, elle n'a plus d'argent....- toujours en quête de reconnaissance, geignant sur sa solitude mais incapable d'aimer dans la mesure où aimer c'est aussi reconnaitre l'autre et non le considérer comme le seul réceptacle d'un égo délirant, Violette est pénible.... Mais le film vaut le voyage.