"Heureux sont les simples d'esprit, car le royaume des Cieux leur appartient" : Défense et Illustration avec ce second film de Yolande Moreau (cette fois-ci réalisant en solo). Rosette Desjardins (Candy Ming) a une petite vingtaine d'années. Handicapée mentale légère, elle vit dans un foyer, "Les Papillons Blancs", à Charleroi. Quand la femme d'Henri (Pippo Delbono, vu cette année aussi dans "Cha Cha Cha", "Moi et Toi", et "Un Château en Italie", mais d'abord un grand homme de théâtre) décède brusquement, sa fille Laetitia lui suggère de prendre Rosette comme aide pour sa gargote (bar-restaurant), "La Cantina", car "elle ne coûtera pas cher". Le quinquagénaire alcoolique et la simplette se parleront peu, mais feront pourtant un bout de route ensemble, par pigeons interposés d'abord (Henri est colombophile), puis à l'occasion d'une équipée inattendue en bord de mer du Nord, à Middelkerke (près d'Ostende).
"Henri" peut être rapproché de "l'Art modeste". Les décors sont banals, les paysages plats et tristes, les gens humbles. Mais la réalisatrice sait comme personne tirer parti de ce quotidien, routinier, laborieux, morose, et donner une épaisseur humaine unique aux petits riens. Les deux "héros", improbables", sont des "taiseux", et de façon générale, les dialogues sont rares dans le "Petit Monde de Rosette et Henri". Mais les images en disent long, avec très peu : un lâcher de mille pigeons, un front de mer bétonné en rose vif, vu au travers de lunettes de petite fille, Rosette s'enroulant avec grâce et sens dans un voilage blanc, Henri et Rosette en tableau vivant, façon "L'Angélus"...... C'est poétique, délicat, expressif, inventif. De tous les instants. L'émotion sourd partout, sans une once de pleurnicherie, sans facilités ou voyeurisme à la "Strip Tease" - alors que le milieu présenté est pourtant le même que dans les chroniques du petit écran. Du très grand art. Modeste. Grâce aussi à des interprètes magnifiques, excellemment employés et dirigés : outre les deux principaux acteurs (précités), Yolande Moreau elle-même dans un petit rôle au début, Jackie Berroyer (déjà dans "Quand la mer monte" - ici en vieux copain d'Henri), Serge Larivière (le propriétaire du camion de frites)...