En Ville a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs et à la Caméra d'Or du Festival de Cannes 2011, ainsi qu'au Festival du Film de Cabourg 2011.
Respectivement issus du milieu artistique et littéraire, Valérie Mréjen et Bertrand Schefer écrivent et réalisent ensemble leur premier long métrage, En Ville, grâce à l'aide à l'écriture reçue lors du festival de Pantin pour le premier court métrage de Valérie Mréjen, La Défaite du rouge-gorge.
La difficulté pour ces deux artistes était de passer de la littérature ou de l'art plastique au cinéma en pensant en tant qu'écrivains ou artistes et non en tant que cinéastes. Ajouté à cela, le défi pour Valérie Mréjen de passer du court au long métrage, qui ne se construit pas de la même manière : "J’ai dû apprendre à construire des scènes qui ne contiendraient pas en elles-mêmes leur résolution ou leur dénouement, à réfléchir dans la longueur. A évoquer des idées sans dévoiler tout de suite les intentions, puisqu’elles seraient développées plus loin dans le film. C’est un apprentissage que nous avons fait ensemble, également en regardant beaucoup de films", précise-t-elle.
En ville est un film qui aborde les thèmes de la jeunesse et de la province, mais la réalisatrice raconte que si ces thèmes étaient là dès le départ, le scénario a connu des évolutions : "Les personnages que nous avions imaginés au départ ont changé d’âge, de métier. Ce qui demeure, ce sont les prénoms, et également deux ou trois scènes qui ont toujours été là, comme des îlots stables sur lesquels s’appuyer. Celle du déjeuner de famille, par exemple, ou de la rencontre dans la voiture. Puis, il y a eu beaucoup de versions, on s’est éloignés, on est partis vers d’autres pistes… Le sujet s’est concrétisé très tardivement, le film s’est rapproché de nous et de notre histoire personnelle."
Ecrire un scénario à deux permet d'avoir un double point de vue narratif, sans enlever son unité au scénario, d'après Valérie Mréjen et Bertrand Schefer. Cela permet aussi d'avoir des personnages plus complexes, chez lesquels on peut retrouver un peu des deux scénaristes : "Il y a un peu de nous deux dans chaque protagoniste. Et puis, les personnages ont beaucoup évolué au fil de l’écriture. (...) Au départ, Iris était plus jeune et Jean plus âgé. Finalement, l’écart s’est rétréci. Iris s’est rapprochée de nous et de nos souvenirs d’amours adolescentes, tandis que Jean a maintenant le même âge que nous", expliquent-ils.
Jean, le personnage principal masculin, est un photographe parisien d'une quarantaine d'année. Pour créer ce personnage, les scénaristes ont pensé à l'artiste français Nicolas Moulin, avec qui Valérie Mréjen a fait ses études aux Beaux-Arts de Cergy, même si Jean "relève de la fiction". On peut néanmoins apercevoir dans le film des photographies de Nicolas Moulin.
Valérie Mréjen et Bertrand Schefer ont choisi de tourner En ville en 16 mm, d'abord par choix esthétique mais aussi par choix pratique : "Paradoxalement, il nous est apparu que cela coûterait moins cher d’obtenir une belle image avec de la pellicule plutôt qu’en vidéo, où l’accès à une qualité satisfaisante est onéreux, surtout pour l’éclairage. Et puis, il y a aussi une relation entre la manière dont nous avons tourné et le travail de Jean, le personnage du photographe qui préfère réaliser ses clichés en argentique. Comme lui, nous avons eu envie de rester dans une certaine économie et, plutôt que de multiplier à l’infini les prises de vue, poser notre caméra 16 mm sur un pied et que le travail de l’équipe s’articule autour de cet outil qui met en avant le cadre. Le dispositif scénique est pensé en fonction de l'image. La collaboration avec notre chef opératrice, Claire Mathon, a été essentielle pour suivre cette intuition et élaborer sa forme", expliquent-ils.
Le film se déroule dans une petite ville portuaire qui est en réalité une ville qui combine à la fois Nantes, Saint-Nazaire et Limoges (essentiellement pour les intérieurs, les voies ferrées et la station service).
Lola Créton, qui tient le rôle principal d'En ville a été repérée dans La Barbe bleue de Catherine Breillat. Stanislas Merhar avait joué dans La Captive de Chantal Akerman, ainsi que pour Benoît Jacquot et Jean-Claude Brisseau. "Il a un charisme cinématographique, une présence à l’image qui emporte autant par sa force que par son retrait mélancolique, sa fragilité. On le connaît depuis très longtemps… Il est le cousin germain de Bertrand", raconte Valérie Mréjen. On retrouve aussi Adèle Haenel (Naissance des pieuvres) et Antoine Chappey. Enfin, Valérie Donzelli, Marilyne Canto et Michèle Moretti qui ont déjà joué pour Valérie Mréjen, respectivement dans Valérie, French courvoisier, et Michèle et Aurore.
Ferdinand Régent, par exemple, qui joue Alexandre, tient ici son premier rôle. Des connaissances de Valérie Mréjen et Bertrand Schefer se trouvent aussi au générique du film : "Oui, des personnes de notre entourage se sont imposées tout naturellement à notre esprit. Les écrivains Thomas Clerc, Stéphane Bouquet et Gaëlle Obiégly…"
Les deux réalisateurs expliquent que, si au début du tournage ils désiraient séparer les tâches (la direction d'acteurs pour l'un et le cadrage pour l'autre), ils se sont vite rendus compte que cela n'était pas si simple : "En réalité, dès les premiers jours, nous avons compris que cela ne se passerait pas comme ça. Comme nous n’étions pas très nombreux, tout le monde s’est mis à suivre le même mouvement. Et nous à faire ensemble le même travail, en nous attachant aussi bien à l’image qu’aux acteurs. La blague récurrente sur le tournage, c’était de nous surnommer le cerveau à deux têtes …", se souviennent-ils.
"Nous ne pensons pas qu’un réalisateur sache mieux qu’un comédien comment jouer la comédie. Le travail des réalisateurs, selon nous, consiste à définir un ton particulier, un état d'esprit, et celui des comédiens consiste à comprendre cet état d'esprit. A partir du moment où on a commencé à faire des lectures, l’esprit du film s’est installé. Dès la première journée, les acteurs ont su où ils se trouvaient."
"Il est difficile de classer nous-mêmes notre film dans une catégorie. Ce n’est pas un drame social, c’est sûr. Une comédie, non plus. Ce serait plutôt un conte. Il faudrait toujours pouvoir inventer de nouvelles catégories..." Un film inclassable en d'autres termes !