Japon : Hiver 1946, la guerre vient de se terminer. Yukiko Koda rentre dans son pays, un Japon affecté et anéanti par la défaite après avoir passé plusieurs années en Indochine comme secrétaire du ministre de l'agriculture et des forêt. C'est d'ailleurs là qu'elle y a rencontré Tomioka avec qui elle a vécu un amour passionné qui lui avait fait le serment de l'épouser une fois renter au Japon... Mais lorsqu'elle le retrouve au pays du soleil levant, il n'a plus l'intention d'honorer sa promesse...
Avec "Nuages Flottants", Naruse nous livre un mélodrame d'une grande sensibilité et justesse. Dès le début, il nous attache à ce personnage féminin qui sera, tout le long du film, à la recherche du bonheur, d'un amour et d'un passé qui s'est déroulé loin d'une guerre qui faisait alors rage. De l'espoir au désespoir, du renoncement à l'attente, elle passera par plusieurs stades, avec face à elle un homme qui ne se rend pas compte de ce qu'il veut et qui fait régulièrement preuve d’égoïsme et surtout de lâcheté, incapable de rompre clairement avec elle.
La force de "Nuages Flottants", c'est d'éviter toute niaiserie ou excès de sentimentalisme qui serait mal venue. Il n'est jamais dans l'exagération mais bien au contraire dans un réalisme fort. Il braque sa caméra sur sa protagoniste et nous fait vivre son quotidien avec une tendresse particulière. Il fait ressortir toute l'émotion des personnages et des enjeux, on passe, comme Yukiko, par plusieurs sentiments. Les scènes marquantes et bouleversantes ne manquent d'ailleurs pas, que ce soit celle finale ou celle de vie de tous les jours.
D'une très grande richesse d'écriture, il met en scène des personnages "lambda", sans trait particulier, pas forcément riche, pauvre, simplet ou autres et ils se retrouvent pris dans la passion et dans l'amour. Mais il met en scène toute une galerie de personnages autour, toujours intéressante et utile, apportant un plus au déroulement, lui aussi très bien écrit, tout comme les dialogues qui sont d'une grande justesse. Naruse aborde la façon dans l'amour peut transformer une vie et influé sur les étapes de celle-ci, mais aussi la façon dont il peut rendre malheureux et surtout l'arme que ça peut devenir, que ce soit volontairement ou non utilisé comme tel. Mais il aborde aussi la recherche d'un passé idéal et idyllique, le tout avec une subtilité rare.
La mise en scène de Naruse est d'une maîtrise et d'une justesse exemplaire. Tout en retenu, il fait ressortir toutes l'émotion de son récit. Tous ses mouvements de caméras sont fluides et sonnent justes, tout comme ses cadres et ses plans qui sont toujours riches et truffés d'idées. Son utilisation des flash-back est aussi excellente, ne coupant jamais le rythme et apportant toujours une dimension supplémentaire. Sa direction d'acteurs est la aussi exemplaire, dans le rôle principal Hideko Takamine apporte justesse, émotion et présence à son personnage qui fait preuve de courage et de détermination. Face à elle, Masayuki Mori est lui aussi très bon dans le rôle de cet homme lâche qui ne sait jamais prendre la décision qu'il faut. La reconstitution, que ce soit en extérieur ou intérieur, est impeccable, ne faisant que nous immerger de plus belle façon dans le récit.
Un énorme coup de cœur, un mélodrame juste, puissant, passionnant et bouleversant où Naruse nous emmène dans un Japon d'après guerre suivre un couple passionné mais qui n'arrive pas à se trouver. D'une grande justesse et d'un grand talent, que ce soit devant ou derrière la caméra.