Tous au Larzac n'est en fait pas vraiment un film, ni un vrai documentaire. Je dirai qu'il est entre les deux : il emprunte aux deux genres. C'est un documentaire dans le sens où c'est un enchaînement d'interviews des acteurs du Larzac de ces années 1970. Mais il emprunte au genre cinématographique toute la mise en scène, tout de même présente, et formidablement réalisée par Rouaud. Au final, le film lui même est un témoignage de ces événements
Prenant le prétexte de raconter le conflit d'usage du Larzac, le réalisateur traite d'un sujet bien plus vaste : l'engagement. On suit le parcours de plusieurs personnalités, voire même leaders du mouvement, du début à la fin. On se rend compte que l'engagement est multiforme, qu'il concerne des gens différents les uns des autres, des partis politiques différents, etc. En fait, par ce film, le spectateur est amené à s'interroger sur son propre engagement, et il est très facile de faire un parallèle avec le mouvement des indignés aujourd'hui.
Toujours de manière très subtile, on s'interroge sur le monde d'aujourd'hui, sur ses valeurs, et sur ce qu'on veut en faire, sur la manière de le changer. Et on se rend compte, avec ces Hommes là, que changer le monde, c'est possible, ça paraît même simple !
D'un point de vue purement cinématographique, pas d'acteurs dans le sens conventionnel, mais une mise en scène omniprésente. D'une part, un montage très juste. Rouaud n'est absolument pas objectif, mais est-ce ce qu'on lui demande ? Il sélectionne par contre avec justesse les témoins, leur témoignage et le cadre. Il fait s'enchaîner les phases d'interviews avec les images d'archives, voire même des séquences plus poétiques, qui laissent le spectateur libre de trouver sa propre analyse. Non seulement on a l'impression de vivre les événements racontés, mais plus encore, sans artefact, de manière simple et naturel, le réalisateur arrive à faire passer des émotions fortes au spectateur. C'est certainement là une grande force du film.
La fin est peut-être plus décevante. On aurait préférer rester sur la victoire de Mitterrand et la victoire de ce petit groupe qu'on suit depuis le début, plutôt que d'enchaîner sur le Bové plus politique. Pourtant, force est de constater que l'enchaînement se fait bien et rapidement. Peut-être est-ce la façon qu'a le réalisateur de nous dire qu'une lutte, si elle débute dans un lieu donné, dans un contexte donné, évolue en fonction du temps et des nouvelles problématiques mondiales. Du coup, on comprend mieux ce qu'il a essayé de faire.
Bref, c'est donc un beau film, à aller voir, qui permet de remettre en cause notre engagement aujourd'hui, et qui nous permet de nous reposer des questions sur la société dans laquelle nous vivons, et les moyens de la changer. Christian Rouaud a le mérite de savoir enchaîner les témoignages de tous les acteurs importants de cette période, de leur rendre hommage, sans pour autant être longuet.