C'est un film à fleur de peau, qui réussit à mettre en image la solitude,à faire ressentir la perception d'un être,et son décalage irrémédiable entre un idéal de pureté, une soif d'amour et de consolation et le reste du monde, de la vie qui va, avec ses désillusions,ses compromis,ses obligations à se contenter du moindre mal..D'une beauté foudroyante et d'une lucidité perçante, d'une mélancolie intense, d'une poésie totale
"ça ira mieux, tout va s'arranger.. sauf que non" dit Anders à son ami. J'ai pensé à Perec:"Il n'y a ni recours ,ni pitié,ni salut à attendre de personne.Il n'y a même pas à espérer que le temps arrangera ça."
La scène du restaurant est exceptionnelle, quand Anders perçoit le fourmillement de la vie autour de lui tout en restant observateur décalé et étranger aux enthousiasmes ,aux rires,aux espoirs qui s'expriment dans le blabla qui l'entoure...
Ce "catalogue" que je vois reproché au film n'est qu'un patchwork mental , très semblable au fonctionnement de notre mémoire d'enfant. Ce "je me souviens" mélancolique pointe le temps qui passe et le délitement des affections, des liens, des amours.. C'est un film sur la perte, avec prise de position radicale sur le sujet.La toxicomanie n'est pas le sujet du film mais moyen de proposer un personnage déconnecté qui essaie de reprendre pied dans un quotidien qui le rejette et qu'il rejette.Il émane de tout le film une certaine douceur calme , dûe aux images et à la qualité de l'interprète principal, au regard d'enfant perdu, et qui permet à la fin de vous hacher menu!! Le film fait pleurer après son générique et bien après la séance, à l'instar de Two lovers. On peut d'ailleurs rapprocher Léonard et Anders, en particulier pour la scène qui ouvre le film... Leur désespérance est la même.
Très différent de Shame en effet, plus en demi-teinte et en mélancolie, plus poignant aussi.Et cette façon de situer l'histoire sur le dernier jour de l'été norvegien, au moment où il va falloir s'enfoncer dans l'hiver, et arriver à le supporter , est tout simplement admirable de poésie .
J'ai aimé aussi "ces marches interminables vers d'improbables fêtes" ...A ne pas manquer.