Un désintoxiqué en permission de nuit, dans un Oslo vert, provincial et ensoleillé, plein de petites norvégiennes blondes, saines et bien bâties (rien à voir avec nos starlettes étiques). Il est à quinze jours de sa "guerison" définitive. A vrai dire, on comprend bien que dans son groupe de parole, ces jeunes sont plus terrorisés qu'autre chose à l'idée de retrouver la liberté. Ligotés par la drogue, puis patients bien sages, ils ont perdu l'usage de cette liberté.
Anders (Anders Danielsen Lie) est un garçon de bonne famille, instruit, parents bobos et très libéraux. Tout pour réussir. Sauf, la rencontre avec l'héroïne et l'alcool qui lui ont bouffé six ans de vie. Anders est maintenant parfaitement clean. Il a un rendez vous avec le rédacteur en chef d'une revue qui pourrait lui donner un travail intéressant. Pourtant, il commence sa journée en tentant de s'immerger dans un lac, des pierres plein les poches, mais non: la pulsion de vie est la plus forte. Si ses camarades d'infortune ont peur de retrouver la liberté, lui, qui est mieux armé intellectuellement, a surtout peur de cette vie, sans perspective, sans avenir (six ans de perdus!) qui l'attend. Il commence par aller voir son meilleur ami. Thomas, ancien copain de bringue, est maintenant gentiment marié, père de famille, il tente de persuader Anders que, lui aussi, il peut avoir cette bonne petite vie là, peu convaincant (sans doute parce qu'il est lui même peu convaincu). Le jeune homme essaye ensuite de voir sa soeur, mais celle ci a peur du choc de la rencontre. Il tente de contacter Iselin, son ancienne fiancée, qui ne répond pas. Quant à l'entretien d'embauche, il démarre bien, mais quand il s'agit de justifier ces années de trou dans le CV.... Anders se braque et part. Il ne lui reste plus qu'à rejoindre une fête donnée chez d'anciens amis, puis à les suivre en boite -replongeant en une nuit dans tout son passé sordide.
Ce qui est formidable, dans le film du jeune Joachim Trier, c'est qu'il nous fait éprouver physiquement la solitude, le désarroi du drogué désintoxiqué qui sort, sans plus avoir quelque chose de positif dans la vie, à part les souvenirs du flash de bonheur qui suivait l'injection. L'impression de ne rien avoir à partager, avec personne. Comment raccrocher à la vie, quand on est dans un tel déséquilibre?
Mais ce beau film est assez terrible parce qu'au fond il nous dit: on ne peut pas s'en sortir.