Le désarroi existentiel et la tentation du suicide sont des thèmes intemporels et sans frontière. La preuve avec ce film norvégien, libre adaptation d'un roman français de Pierre Drieu la Rochelle, Le Feu follet, publié en 1931. Louis Malle avait déjà porté ce livre à l'écran en 1963, en gardant le titre original et en offrant à Maurice Ronet l'un des rôles les plus marquants de sa carrière. Le résultat était d'une noirceur oppressante : un abîme de désespoir, rarement montré avec autant d'acuité au cinéma. Oslo, 31 août, second film de Joachim Trier (après Nouvelle Donne en 2006), n'est pas plus gai. Mais il adopte un style différent. Dans le film de Louis Malle : ambiance lourde, noir et blanc plombant, beaucoup de gros plans et voix off littéraire. Dans le film de Joachim Trier : mélancolie et tristesse diffuses, couleurs douces d'une fin d'été, réalisation plus aérée et parti pris moins verbal. Il y a une approche plus sensitive (ouïe, vue), qui donne lieu à de belles scènes de captation de l'environnement du personnage principal. Notamment celle où il écoute des conversations autour de lui, dans un café. Scènes de rue et scènes nocturnes sont aussi très réussies, sous influence (revendiquée) de la Nouvelle Vague française, façon Agnès Varda, dans Cléo de 5 à 7, par exemple. Joachim Trier a un joli style, assez gracieux. Le travail de la lumière et le montage sont au diapason, inspirés.
Sur le fond, l'ancrage sociologique change évidemment par rapport au bouquin d'origine et au film de Louis Malle. Nous sommes à Oslo, dans une société plutôt aisée et aseptisée, ronronnant dans un certain conformisme. Le personnage central, ancien drogué, est plus commun que celui incarné par Maurice Ronet, dandy marginal. C'est un trentenaire qui a derrière lui une adolescence débridée et devant lui une vie d'adulte à laquelle il ne se voit pas prendre part. En quelques heures, il confronte son passé et son avenir, dans un entre-deux où dominent un sentiment de décalage, une très grande solitude et un questionnement sur l'intérêt de la vie. La tonalité touche au romantisme noir.
Avec son côté évanescent, ce film est certainement moins profond que Le Feu follet de Louis Malle, moins direct, explicite ou développé dans sa façon d'aborder l'inaptitude à vivre, mais il témoigne d'une sensibilité fine et d'un art maîtrisé.