Miss Bala est l’exemple même du film au parti pris marqué, qui impose une mise en scène ambitieuse et peu laisser une partie des spectateurs loin de l’œuvre dans sa globalité. Parfait de maîtrise, le film fait entrer Gerardo Naranjo sur la scène internationale. Moins doué et peu connu pour ses précédents films, on comprend sa participation à Revolución, films à sketches, où des réalisateurs à la mise en scène marquée, comme Amat Escalante (Los Bastardos) et Carlos Reygadas (Lumière silencieuse) faisaient également partie. Miss Bala, une découverte majeure.
Tout le travail de Naranjo est attaché dans le soin précieux qu’il apporte à sa mise en scène. Deux heures durant nous suivons le parcours d’une jeune mexicaine participant à un concours de beauté, puis kidnappée par un cartel, afin de se servir d’elle. Le film se veut très perturbant dans sa première approche, nous ne savons jamais réellement où nous sommes ni pourquoi, de même, les liens entre les personnages principaux ne seront jamais décryptés avec réel appui. Si ce désire de flou amène une distance en premier lieu, c’est pour ensuite donner un élan plus immersif à l’ensemble du film et précisément, concernant le chemin parcouru par l’héroïne. Régulièrement parsemé de longs travellings, soignés d’une mise en scène ludique et maîtrisée, tout semble glisser devant nos yeux tout comme le destin que cette jeune mexicaine ne peut contrôler. L’ensemble conduit à une immersion proche et affinée de ce que subit l’héroïne.
L’ambivalence de la réalisation, grande maîtrise de la forme, kaléidoscope du fond, donnent finalement un ton propre au film, comme une attraction désirée, un choix appuyé du réalisateur à mettre l’accent « vérité » sur son long-métrage. Les situations les plus incongrues grâce à leurs résonances communes créent une unité de temps et une continuité de l’histoire. C’est peut-être en cela que Miss Bala réussit à séduire. Après un rejet, non esthétique, la photo est superbe, mais de linéarité classique, le film nous kidnappe également et nous fait vivre au plus près de ce que l’héroïne peut ressentir.
A ce titre, le sens du cadre de Naranjo est parfait d’élégance. S’il pourra en rebuter certains, chaque plan est pensé dans une dimension et dans son mouvement (utilisation soulignée et fine du hors-champ), ce cinéma là est décidément bienvenu à une époque où tout est uniformisé. Cette habileté de cadrage lui permet d’ajouter par effleurement, une signification des corps, du corps en l’occurrence. Ici simple jouet, fruit de manipulations et vecteur du cheminement de l’histoire, du transit de marchandises entre la frontière mexicaine et américaine. Si Gerardo Naranjo maîtrise ses cadres c’est en totale adéquation avec sa mise en scène dont il fait entrer et sortir les personnages toujours à bon escient.
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Miss Bala est le fruit de cette représentation. Marquant dans son aspect cinématographique, fort dans son sens critique, Gerado Naranjo, frappe juste et fort par un parti pris radical et enthousiasmant. Car c’est là le sens premier de son film, dénoncer par une lecture critique, des évènements devenus banalement médiatiques. Le film en flirtant avec tous ces aspects, porté par une comédienne impliquée et recouvert d’une réalisation vertigineuse, apporte une vraie découverte dans un cinéma hispanique déjà fort en soit.
Si Miss Bala ne pourra pas convaincre n’importe quel spectateur, l’ingéniosité et le savoir faire de sa mise en scène, l’habileté de sa scénographie et l’intelligence de son propos, démontré avec impartialité, font du film de Gerado Naranjo, une réelle attraction du 7éme art. Un réalisateur à suivre, dans les plus cinématographiques et modernes du moment.
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