Film d'une rare intelligence, ce "Footnote" a bien mérité d'être distingué au dernier Cannes, par le Prix du scénario en l'espèce - pourquoi pas en effet, car Joseph Cedar (qui réalise aussi) a tricoté une histoire de vindicte subtile et ravageuse entre chercheurs, mais le "Prix du Jury" aurait été tout aussi approprié (bien plus que pour le médiocrissime "Polisse", dont la place au Palmarès sent la complaisance à plein nez). Yehuda Grossman poursuit son confrère Eliezer Shkolnik d'une haine tenace depuis des décennies (la raison, plutôt dérisoire, semblant tenir à une note "de bas de page" dans un ouvrage de référence, faisant état des travaux de ce dernier, de ce fait seul auteur vivant cité par l'auteur majeur de l'ouvrage !). Le vieux professeur trouve un moyen indirect de blesser à mort son rival de toujours : responsable de la section "études juives" au sein de l'Académie qui attribue chaque année la distinction correspondante dans le cadre du prestigieux Prix Israël, il intrigue pour faire décerner (alors que l’intéressé n’avait rien brigué) la récompense à Uriel, le fils d'Eliezer, lui aussi chercheur dans le même minuscule pré carré (philologie et études talmudiques), cependant connu du grand public grâce à de nombreux ouvrages de vulgarisation, à la différence de son père, rat de bibliothèque dont l'extrême compétence est totalement inconnue de tout un chacun. Eliezer, candidat évincé régulièrement depuis 16 ans, ne pourra en effet qu'être profondément humilié par ce choix. Un grain de sel vient compliquer l'affaire : une secrétaire zélée du ministère de l'Education, se trompant de numéro de portable, prévient à tort Eliezer d'une bonne fortune échouée en réalité à son fils. La nouvelle erronée transpirant dans la presse, les autorités convoquent Uriel en grand secret pour l'informer de la méprise et lui demander de rétablir les choses auprès de son père (scène absolument surréaliste et hilarante dans un bureau exigu du ministère). Grossman semble alors en position de doubler sa vengeance, mais c'est compter sans la réaction de piété filiale d'Uriel.... A vous de découvrir la suite de cet imbroglio intello-familial, jusqu'à un dénouement "ouvert" et onirique. Réalisation remarquable pour deux récits s'entrecroisant habilement - les luttes opiniâtres entre grands intellectuels (qui l'eut cru), et les délicats rapports père/fils (Eliezer et Uriel, mais aussi Uriel/Josh, son propre fils grand ado, même si les raisons de l'absence de dialogue sont alors toutes autres). Beaucoup de sous-entendus, d'incompréhensions, de douleurs finalement, au sein de cette famille, magnifiquement communiqués au spectateur par l'image plus encore que par le discours, et une interprétation parfaite, au premier rang de laquelle brillent les talents de Schlomo Bar-Aba (l'"autiste" Eliezer) et Lior Ashkenazi (le puissant Uriel), avec l’agrément supplémentaire d’une musique délicieusement ironique. Seules quelques longueurs m'empêchent de noter à 5 étoiles cet excellent moment de cinéma.