Dans ses films, la réalisatrice Naomi Kawase a pour habitude de dépeindre les paysages japonais, plonger ses personnages dans les forêts et mettre en avant le bruit de l'eau, du vent et des oiseaux. Elle cherche à rétablir le sentiment ancien de vénération et de crainte que l'homme avait vis-à-vis de la nature. La cinéaste explique : "Dans mes films, on peut presque dire que l'homme joue des seconds rôles, je donne à la nature le rôle principal."
Hanezu, l'esprit des montagnes a été tourné à Nara, ville où Naomi Kawase est née et où elle habite encore. Pour habituer ses acteurs, venus de Tokyo, aux paysages campagnards de Nara, la cinéaste a décidé de les faire venir un mois avant le tournage pour vivre comme des autochtones, mangeant la nourriture locale et employant le vocabulaire typique des habitants de la région.
Pour conserver le réalisme des scènes, Naomi Kawase a évité toute répétition avec les acteurs. Au moment du tournage, elle s'est limitée à une seule prise par plan, pour conserver l'authenticité du jeu des comédiens.
Pour le scénario de Hanezu, l'esprit des montagnes, Naomi Kawase s'est inspirée d'un poème de Manyoshu, le recueil de poésie le plus ancien de l'histoire du Japon. La cinéaste a été surprise de voir un homme qui, il y a 1000 ans, parlait déjà de son passé et des temps anciens. Le fait que les notions d'historicité et de mythologie puissent exister dans une période tellement lointaine a tout de suite séduit la réalisatrice.
Tous les films réalisés par Naomi Kawase sont composés par des personnages en deuil, entourés par la mémoire et l'esprit des morts. Elle impute ce choix à la tradition japonaise, dans laquelle on "laisse les (fantômes) exister dans nos vies", d'après la cinéaste.
Evoquant la catastrophe de 2011 dans la région de Fukushima, quand la ville a été victime de secousses sismiques, d'inondations et d'une fuite radioactive, Naomi Kawase se dit très inquiète par la modernité, qui aurait effacé les croyances pour que les hommes "ne se préoccupent que de développement économique".
La réalisatrice rapproche ses films du concept japonais de MUJO, qui signifie "rien n'est certain, ni pour toujours". Elle estime que c'est à l'art et à la fiction de restituer "la contradiction entre nos désirs et la réalité", alors que la science essayerait justement de supprimer les ambiguïtés et de "créer la certitude et l'éternité".
Hanezu, l'esprit des montagnes a été sélectionné dans la Compétition Officielle du Festival de Cannes 2011, où le film a côtoyé deux autres productions portant sur la suprématie de la nature face aux hommes : The Tree of Life, de Terrence Malick, et Melancholia, réalisé par Lars von Trier.