L'acteur Filippo Pucillo se sent très concerné par ce flux migratoire massif qui pousse certains à s'échouer sur les rives de Lampedusa dans l'espoir d'une vie meilleure : "Je vis à Lampedusa. Ici j’ai connu des personnes qui venaient de la mer et je suis devenu leur ami. Je les ai fréquentées pendant quelques mois, puis elles sont parties et je ne les ai plus jamais revues...", explique-t-il.
Dans Terraferma, tous les rôles sont tenus par des acteurs. Tous ? Pas exactement. En réalité, le personnage de Sara est interprété par une des survivantes de Lampedusa, avec qui le réalisateur a voulu travailler. Aujourd'hui, elle est installée aux Pays-Bas, s'est mariée et attend son premier enfant. A travers cette histoire, Emanuele Crialese a voulu rendre hommage à la volonté de cette femme qui a finalement réalisé son rêve.
L'acteur italien Filippo Pucillo n'en est pas à sa première collaboration avec Emanuele Crialese. Il raconte : "C’est le troisième film que je fais avec Emanuele. Le premier je l’ai tourné à 9 ans, le second à 16, celui-ci à 20". Le comédien a en quelque sorte grandi sous l’œil de la caméra du cinéaste.
Le réalisateur italien, révolté à l'idée que l'on puisse apposer des étiquettes si radicales aux échoués de Lampedusa, a voulu exclure de son récit les termes "clandestin", "immigré" ou "extra-communautaire", qu'il juge péjoratifs et ségrégationnistes. A la place, il a construit son film comme un conte bercé d'imaginaire.
Emanuele Crialese s'émeut du destin parfois tragique des clandestins qui périssent en voulant rejoindre les côtes. De même, il s'émerveille face à la volonté de ceux qui ont survécu à un tel périple. C'est le courage de ces gens, qui fuient pour un avenir meilleur, que le réalisateur a voulu porter aux nues avec son film, une ode à l'odyssée moderne de ces milliers d'immigrés de Lampedusa.
En 2002, Emanuele Crialese avait tourné Respiro, sur l'île de Lampedusa. Sept ans plus tard, en retournant sur ces lieux, le cinéaste peine à reconnaître l'île paradisiaque qu'il avait filmée. A la place, il ne trouve que "des épaves de barques à moitié immergées, qui attendent d’être effacées par la mer, des vedettes à moteur avec canons et mitrailleuses, de la confusion et du désespoir". C'est en partant de ce triste constat que le réalisateur a eu l'idée de réaliser un long métrage sur les immigrés de Lampedusa.
Comme l'explique le réalisateur Emanuele Crialese, Terraferma ne raconte pas seulement le périple de quelques immigrés, mais bénéficie d'une portée beaucoup plus générale et universelle. Selon ses propres mots, son film est : "Une histoire suspendue entre mythe et réalité, racontée dans la langue légère et puissante des fables. Ce n’est pas un film sur l’immigration, mais sur nous-mêmes. Sur quiconque est à la recherche de sa propre Terre ferme."
Le film Terraferma a reçu le Grand Prix du Jury à la 68ème Mostra de Venise, en 2011.