Que s'est-il passé ? Ça commençait plutôt bien : le ton était décalé et dynamique et le film filait alors à toute vitesse, fier de son statut de comédie sur fond de fin du monde, abordant ce thème avec légèreté et humour noir. Mais le voilà qu'il s'arrête en pleine course, laissant sur le bord de la route tout ce qui faisait son charme pour se transformer en une espèce de romance à l'eau de rose des plus abjecte, sûrement rattrapé par quelques états d'âmes sortis tout droit de la machine hollywoodienne ; plus destructrice encore qu'un astéroïde. Et finalement le dernier tiers nous donne qu'une seule envie, celle de crever avant les personnages (oui, parce qu'ils crèvent hein, le seul moyen que le film se termine de plus mauvaise manière encore aurait été un miracle – c'est dire à quel point il finit mal –). En fin de compte, si la fin du monde arrive au bout de deux heures, la fin du film elle pointe le bout de son nez au bout d'une seule...
Mais je vais essayer de me remémorer le début, pour ne pas tomber trop tôt dans un discours qui accablerait trop sévèrement le film. Qu'avons nous dans cette première partie ? Quelque chose de frais, qui exploite son sujet avec réussite, jouant sur le second degré pour livrer un contexte en soi chaotique mais pourtant si jouissif. Bon, pour ceux qui ont vu la bande-annonce, pas beaucoup de haussements de sourcils dans un premier quart-d'heure qui en reprend presque tous les fondements. On a juste à faire semblant d'être surpris et attendre que les évènements désormais familiers soient derrière nous. Bref, on se prend d'affection pour un quarantenaire qui regarde sa vie d'un œil vitreux, entre dépit et acceptation, le vide de son existence étant presque plus cruel que celui de sa mort imminente. Heureusement, les choses sont bien faites, et un rayon de soleil apparaît derrière la fenêtre, filtrant à travers les stores. Ce rayon de soleil c'est Keira Knightley : qui est toute mignonne en hyperémotive aux gesticulations hésitantes et aux cheveux courts – avant qu'on en ait marre et qu'on ait envie de la trucider, bien entendu –.
Le film s'élance alors dans cette rencontre atypique où deux êtres que tout oppose (jeune délurée et vieux casanier) vont se découvrir à la manière de deux adolescents – à base de maladresses, de regards timides, de sourires nerveux... – et partager cette dernière tranche de vie ensemble. Le road movie s'installe et c'est avec beaucoup d'humour qu'ils sillonnent les routes, où les rencontres fortuites s'enchaînent à un rythme effréné, la spontanéité des personnages nous faisant presque oublier le sujet de base. Il n'y a pas de lourdeurs, les émotions sont honnêtes (c'est-à-dire qu'on n'en rajoute pas des tonnes) et on se met à penser follement que le film puisse finalement être une très bonne surprise.
Oui mais non. C'est comme si à la moitié du chemin les scénaristes s'étaient fait un délire perso, créant un twist à leur façon, du genre : « Eh bien, vous pensez que ça peut être bien ? Haha, attendez de voir ce qu'on vous a réservé ».
Du coup le film fait tout ce qu'il n'avait pas fait jusque là : Plus de sourires, que des lignes de dialogues qui s'allongent les unes sur les autres. On y parle de culpabilité, d'enfance, de nostalgie, d'amour, de mort ; mais on le fait avec la finesse d'un téléfilm hongrois et l'émotion d'un éléphant (ou l'inverse). Les personnages se mettent à tirer la tronche, ils se fixent pendant des secondes interminables, regardent le ciel, écoutent de la musique, et on a juste envie de rembobiner et de leur dire d'agir autrement parce qu'ils deviennent tellement chiants... C'est comme si le film n'assumait pas son second degré jusqu'au bout, toutes les promesses ayant été entrevues étant balayées d'un revers de la main. Tout ça pour quoi ? Pour nous dire qu'il faut aimer ses parents et croire au mythe des âmes sœurs ? Je préfère encore une pub pour la prévention routière... Cette intention devient aussi superflue que les facteurs émotionnels du film (harmonica, vinyles...).
Le constat est alarmant : c'était drôle et ça devient chiant, c'était rythmé et ça devient lent, c'était honnête et ça devient superficiel. Les acteurs jusqu'alors sympathiques deviennent détestables et on passe du ying au yang de manière si brutale qu'on se demande comment on a pu en arriver là alors que quelques minutes plus tôt on prenait son pied. Le film se révèle comme une éjaculation précoce dans le lit d'une déesse, qui ne laisse que regrets et désespoir. Et il est humainement impossible de prédire la fin tant celle-ci est invraisemblable et ridicule ; même si on la sent un peu venir quand même : mais qu'est-ce qu'on voudrait que ce ne soit pas le cas.
Bon, pour peu qu'on soit sensible au message transmis (« il n'est jamais trop tard ») – bien qu'il faille être vraiment peu exigeant – difficile de ne pas se fendre d'une grimace ironique quand ce foutu fondu au blanc qu'on sent arriver depuis dix minutes recouvre enfin l'écran pour nous pousser vers la sortie.
Et puis, les musiques ont beau être bonnes, il y a un tel abus pour nous tirer des larmes avec qu'on a l'impression d'être en train de se faire violer, sérieusement.
PS : Connie Britton (FNL) en MILF et Gillian Jacobs (Community) en bisexuelle ça donne envie de participer à une de leurs orgies légendaires...