Pour continuer dans la lignée des films sur la fin du monde, Jusqu'à ce que la fin du monde nous sépare (dont le titre original prend bien plus de sens que celui-ci) prend le risque de faire de ce thème une comédie romantique, tout en restant dans le drame. Récemment, l'humour n'a pas vraiment eu sa place dans le cinéma apocalyptique (ce qui n'est pas un défaut lorsqu'on voit les merveilles qui sont sorties en salles). Ici, Lorene Scafaria a créé un magnifique film qui amuse sans lourdeurs, sans jamais oublier le fond dramatique de la situation. On a donc une trame plus légère que les films du même style, moins oppressante, mais tout aussi savoureuse. A vrai dire, j'avais un peu peur que le film ne soit trop centré sur l'humour et les mauvaises vannes, et je trouvais que l'idée manquait de cohérence. Mais lorsqu'on connait Steve Carell et ses talents d'acteur exemplaires, on ne peut que savourer ce mélange de drame et de rire. Le film alterne les situations cocasses et les situations plus tristes, grâce à des personnages très attachants. Les deux protagonistes sont seuls et paumés face à cette catastrophe et vont s'entraider, pour rattraper leur passé et tenter de chercher quelqu'un avec qui partager ses derniers instants. Steve Carell est comme toujours extrêmement efficace, que ce soit dans la comédie comme dans le tragique. Il est dommage que cet acteur de génie semble passer un peu à côté de sa carrière alors que son potentiel est colossal, mais ce film rattrape bien sa filmographie à mon goût. Quant à Keira Knightley, elle m'a fait un peu peur au début, la faute à son léger surjeu habituel qui se dissipe au fur et à mesure que le film passe. Lorsque l'histoire tourne au road-movie romantique, elle s'avère bien plus juste qu'au début, et de plus en plus touchante et crédible, devenant plus folle, se lâchant totalement. Les deux acteurs sont très complices, chose que je redoutais également avant de voir le film car ils ne paraissaient pas compatibles. Pourtant, le duo fonctionne à merveille, il s'avère cohérent et prenant jusqu'au bout. Grâce à leurs talents combinés, le film grouille de scènes mémorables. La scène d'ouverture place tout de suite le film dans une ambiance toute particulière, on sent que derrière les aspects humoristiques vont se cacher des enjeux dramatiques, et cette première scène plutôt tendue annonce d'ailleurs la couleur de la dernière. Autrement dit, le film s'ouvre et se conclut de façon sublime. Entre deux, on a affaire à une comédie romantique qui ne sombre dans aucun cliché, même lorsqu'il s'agit des relations familiales. Carell et Knightley forment un duo somptueux qui n'a cessé de me faire rire ou de m'attrister. La scène où ils discutent sur fond de tourne-disque est pleine de nostalgie et d'émotion, tout comme les profonds regards des acteurs qui parviennent à faire subtilement passer ce que les personnages ressentent. De nombreuses scènes, comme cette dernière, se jouent sur les regards et les silences, ce qui permet au film de prendre son temps et de nous laisser savourer chaque moment en même temps que les personnages, qu'ils discutent ou se tiennent simplement la main sur la plage. Je ne vais pas m'éterniser sur la dernière séquence du film afin de ne pas trop en dévoiler, mais je peux dire que j'ai pris mon pied à la contempler, fortement ému par la situation et le dialogue bouleversant qu'entretiennent les deux protagonistes. L'idée est fabuleuse et puissante, et j'ai eu plusieurs frissons lorsque j'ai compris de quelle façon ça allait se conclure. Outre toutes ces qualités, si j'ai autant apprécié ce film c'est indiscutablement grâce à la BO. Les musiques sont minutieusement choisies et correspondent parfaitement à l'esprit des scènes qu'elles accompagnent. La plupart du temps, les scènes concernées sont magnifiées par le son, avec entre autres The Beach Boys, Scissor Sisters, The Hollies, ou encore la sublime musique pleine de nostalgie "Dodge Walks Home/The Beach" de Rob Simonsen & Jonathan Sadoff qui reste pour moi la merveille de ce film. Sans oublier "This Guy's In Love with You" de Herb Alpert & The Tijuana Brass, qui passe pendant le générique final et nous laisse avec une sensation plutôt mélancolique et donne envie de rester savourer ce générique jusqu'au bout. Nul doute que j'écouterai ces deux derniers titres un bon moment. Bref, pour conclure j'ai absolument adoré ce film, qui n'utilise pas les codes de la comédie grossière ni ceux du mélodrame exagéré. Pour un premier film en tant que réalisatrice, Lorene Scafaria a tapé fort je trouve, parvenant à parler de la fin du monde avec douceru, légèreté et émotion. C'est tout ce que j'aime voir au cinéma.