Sur le papier, Le fils de l'autre ne présentait pas forcément les garanties idéales pour faire un grand film. Disons qu'à mes yeux, il contenait, dans sa génèse même, deux problèmes majeurs.
Le premier handicap n'est autre que le nom de sa cinéaste, une certaine Lorainne Levy, qui avait,avant celui là, réalisé deux films assez insignifiants : La première fois que j'ai eu 20 ans et Mes amis mes amours (tiré d'un roman de son frère Marc, ca aide pas non plus :o) et qu'on pensait cantonnée à ce genre de petits films sans grande envergure.
Quant au second a priori défavorable, il concerne l'histoire proprement dite: en effet, cette histoire d'enfants échangés à la naissance sous fond de conflit israélo- palestinien, c'était quand même terriblement casse gueule... une sorte de Vie est un long fleuve tranquille avec les scuds qui tombent toile de fond, je voyais pas cette idée d'un oeil si bienvaillant que cela.
Mais comme j'avais eu des invitations par la revue lyonnaise le petit bulletin, j'ai décidé d'aller contre ses réticences, et bien m'en a pris car Le fils de l'autre est un très beau film, qui, hélas, ne semble pas connaitre en salles, le succès qu'il mérite amplement.
Plutôt qu'à la comédie de Chatilliez avec les Groseille et les Lequesnoy, c'est plus à L'empreinte de l'ange (NDLR qui maintenant s'appelle L'empreinte, tout court, pour ne pas confondre avec un roman éponyme de Nancy Huston avec qui il n'a rien à voir) , le beau et sous-estimé film de Sabby Nebbou avec Catherine Frot et Sandrine Bonnaire, auquel j'ai un peu pensé avec une même histoire d'enfant biologique qu'on intervertit à la maternité.
Comme lui, Le fils de l'autre surfe donc sur ce sujet de manière trés fine et trés subtile sur ce sujet le-fils-de-l-autre-2012-23748-1852809741terriblement délicat à traiter des liens du sang :est-ce que le sang qui fabrique les liens de filiation ou le fait d'accompagner les premiers pas et les premiers mots de l'enfant? Le film interroge aussi, de la même façon, l'appartenance culturelle et l'idée qu'on peut s'en faire.
Les détracteurs du film pourront justement trouver que le traitement de Lorraine Levy est justement trop délicat pour un tel sujet, et qu'à force d'être aussi nuancée, elle ne prend pas vraiment position, mais pour ma part, c'est vraiment ce qui m'a plu dans le film : son absence de parti pris, sa neutralité bienvaillante et sa faculté à trouver de l'humanisme dans les deux camps et dans tous les personnages, même les plus hostiles au départ.
Dans sa façon si touchante et si sensible de décrire le conflit israélo palestinien, le film m'a fait aussi penser aux films du réalisateur israélien Eytan Fox ( The Bubble ou Tu marcheras sur l'eau), en certes moins fort, car ces derniers constituent, à mon sens, de vrais chefs d'oeuvres.
Quoiqu'il en soit, porté par une intéprétation unaninement formidable (avec peut être une mention spéciale à Pascal Elbé rarement vu aussi intense) et une écriture sur le fil du rasoir, mais toujours juste, Le fils de l'autre reste un film absolument recommandable pour qui aime être profondément ému au cinéma par des destinées hors du commun.