Sacrée gageure, pour un premier film, que d'y affirmer un ton si personnel: "Parlez-moi de vous" allie l'élégance de l'humour et de la dérision à la profondeur du propos: comment faire avec les blessures de l'enfance? Comment conditionnent-elles notre existence? Comment nous construisent-elles et font obstacle? Ce film nous fait passer du rire à l'émotion. Magnifique portrait de femme, Karin Viard y donne toute sa mesure. Peu de comédiennes disposent d'une palette si large, elle est drôle, belle, poignante, La mise en scène est extrêmement précise, construisant touche après touche ce personnage dont le spectateur est invité à explorer les zones d'ombres et les brisures. C'est aussi une proposition de cinéma que le film élabore avec ce personnage: au son, c'est une voix qui la nuit, console et soigne, à l'image, c'est un corps qui se refuse, aux regards des autres et à la vie, à ses risques et à sa plénitude. Le début du film est magnifique, image fragmentée de ce corps, matérialisant toute la dualité du personnage, à la fois objet de fascination et sujet d'une cassure, Ce que le film nous dit, sans lourdeur mais toujours avec cette légèreté réjouissante, c'est qu'on peut exister sans vivre, que la réussite sociale ne compense pas la solitude, qu'un petit chien, aussi drôle et touchant qu'il puisse être, écoutant fidèlement les émissions de sa maîtresse, ne peut suffire à combler le vide familial et affectif. Très beau plan aussi de la silhouette fragile s'éloignant dans les couloirs de la radio, ou encore cette image de l'héroïne, la nuit, réfugiée dans un placard, dont nous comprendrons plus tard les pathétiques rituels. Si Karin Viard est particulièrement mise en valeur, c'est aussi parce que le choix des comédiens à qui elle se confronte est particulièrement judicieux: Nicolas Duvauchelle qui la fait naître aux sentiments, et Nadia Barentin, la mère perdue, truculente et émouvante, généreuse et brutale, Bref, ce film est à voir absolument!