Parlez-moi de vous, parlez-moi d’amour, dites-moi les choses tendres et inavouées, celles qui sont bien recluses au fond de votre cœur. Elle écoute, elle est une spécialiste de l’écoute : Mélina, 40 ans, tailleur gris, escarpins Louboutin, brushing Claire Chazal.
Ses oreilles ont des heures de vol de nuit et tous les soirs sur les ondes elle les offre à ses auditrices en mal d’amour. Vieille fille psychorigide, close dans un appartement design du 16ème arrondissement, chassant la poussière comme elle chasse ses souvenirs, Mélina la revêche est-elle vraiment celle que l’on entend ?
Forte de l’anonymat de son visage - puisqu’elle n’offre à ses auditrices que la réassurance de sa voix - notre Mélina sanglée dans son trench-coat, part à la recherche de celle qui l’a mise au monde, mais qui un jour l’oublia. Pas facile de passer de la France d’en haut à la France d’en bas, celle des nécessiteux, du secours populaire, mais aussi celle de l’entraide et des pavillons ouvriers où fleurissent les nains de jardins comme autant de témoins muets de la crise du prolétariat.
Sa mère, le cheveu roux et la clope au bec, est une de ces femmes qui accorde du temps aux plus démunis, serait-ce une façon de s’affranchir du jugement dernier quand on a commis l’irréparable ? Improbables retrouvailles entre deux femmes que tout oppose, l’une cherchant à oublier la mère qu’elle ne sut être, l’autre tentant de retrouver la petite fille qu’elle ne put être.
Pour pimenter ce face à face émotionnel tendance vipère au poing, arrive un homme jeune, les bras tatoués et le cœur en bandoulière. Artiste photographe de la banlieue sans espoir, il va tomber sous le charme de Mélina la quadra claquemurée dans son hygiène de l’âme.
PARLEZ MOI DE VOUS aborde un beau sujet qui nous intéresse tous : Qui sommes-nous vraiment ? Nait-ton mère ou développe-t-on cette force d’amour de par la proximité « dite éducation » que l’on établit avec son enfant ? Comment ne pas être un canard boiteux alors que l’on est resté seul dans la mare ?
Mais un beau sujet ne fait pas toujours un grand film. Karin VIARD, magnifique comédienne aux yeux clairs, ne transforme pas totalement l’essai. Touchante par moments, son jeu frôle aussi l’exaspérant tant elle caricature sa névrose, notamment dans les postures corporelles dont elle dose mal les effets. Nadia Barentin est incroyable dans son rôle de mère mal-aimante, conférant à son personnage une dimension réaliste troublante. Mère indigne, mamie gâteau les mains dans la pâte à crêpes, elle interprète comme elle fume sa clope, à fortes bouffées. Elle est décédée peu après le tournage, à croire que ce film lui a joué un mauvais tour. Nicolas Duvauchelle est parfait en amoureux éconduit mais peut-être est-ce la faute au grand faible que j’ai pour sa gueule d’ange ?
PARLEZ-MOI DE VOUS est un premier film qui ne réussit donc qu’à moitié son entrée dans le monde du long-métrage. Flirtant avec une certaine subtilité - justement celle de ne pas nous faire croire aux contes de fées - le réalisateur tombe aussi dans l’écueil du tire-larmes et transforme la magie des émotions en une sorte de glace Bertillon qui se retrouverait en tête de gondole chez Carrefour.
Quelques très jolies scènes néanmoins et une sensibilité qui ne demande qu’à fleurir sauvent le film du naufrage ; sans oublier la chanson "le bonheur" interprétée par Berry qui clôt cette histoire d’origines en nous fredonnant ce que la réalisation n’a pas su nous chanter.