Entre Daniel Auteuil et Marcel Pagnol, c’est une histoire d’amour qui commença dès 1986 avec le diptyque de Claude Berri. Il faut dire que "Jean de Florette" et "Manon des sources" eurent leur succès et offrirent à l’acteur un rôle dans lequel il excella. Puis beaucoup d’années passèrent avant qu’il n’ose enfin se lancer dans des remakes très périlleux. Encouragé par le bon accueil de "La fille du puisatier" en 2011, il s’attaqua dès l’année suivante à un monument : la trilogie "Marius", "Fanny" et "César". Malheureusement, il n’a pas su reconduire ici les recettes qui lui auraient permis de se sortir plus qu’honorablement d’un très possible fiasco. Eh oui le défi était de taille, tout simplement parce que Pagnol, ce sont de belles histoires de la Provence. Ce sont aussi des films en noir et blanc, retranscrivant le charme désuet d’une époque révolue. Ce sont ces films portés hauts en couleurs par une kyrielle d’acteurs aujourd’hui disparus, mais dont le talent semblait être fait pour les adaptations cinématographiques des romans et pièces de théâtre écrits par le fils d’Aubagne. Dans "Marius" nouvelle version, le cinéaste prend la place de Raimu. Et il est évident que Daniel Auteuil est loin d’avoir le charisme du regretté Raimu. Même chose pour Jean-Pierre Darroussin (à la place de Fernand Charpin) visiblement encombré par le rôle de Panisse, ou encore Marie-Anne Chazel qui n’a pas l’air d’y croire vraiment et qui du coup a bien du mal à convaincre en Honorine. En somme, aucun personnage n’est pour ainsi dire attachant. Pour preuve, je me suis surpris à mettre la silhouette des acteurs d’antan sur les différents personnages, mais le souci est que les voix n’étaient pas raccord. Même l’accent marseillais a eu tendance à sonner faux tant il paraît forcé par moments. Et c’est d’autant plus flagrant que ce "Marius" version 2012 possède un scénario quasi conforme au film originel, surtout quand celui-ci est resté en mémoire ! Bon certes il y a bien quelques variantes, comme la scène d’ouverture, ou comme la partie de belote qui se déroule non plus sur la terrasse mais à l’intérieur du café. Il y en a d’autres bien sûr mais l’impression de copié collé est bien là pour tous ceux qui ont la chance de connaître l’œuvre originelle. Encore que si plus de libertés par rapport à l’œuvre de base avaient été prises, elles auraient été sûrement mal vues à la fois par la critique officielle et les spectateurs. Alors on peut se poser la question quant à l’utilité d’un remake, en particulier quand le film d’origine est pour ainsi dire parfait. D’accord il y en a qui n’apprécient guère les films en noir et blanc. Mais à ce compte-là, autant intégrer un peu d’originalité dans le traitement. Mais pour cela, il faut être un minimum inspiré. Eh bien même pas ! Alors ce remake perd toute sa pertinence. D’autant que les décors sentent les studios à plein nez par leur aspect carton-pâte très visible sur certains plans, ce qui a pour inconvénient de faire perdre le grain de l’époque. Aussi j’ai l’impression que cette nouvelle version a été faite avec les moyens du bord, autrement dit à prix discount, bien que je ne suis pas très sûr que tourner en studios revienne forcément moins cher car il faut tout reconstituer. Ce qui est en revanche certain, c’est que Fanny est toujours propre sur elle alors qu’elle est censée être une vendeuse de poissons. Bon c’est vrai, elle passe plus de temps à convoler qu’à s’adonner à l’activité artisanale. Bref, ce remake est passé totalement à côté : aucune authenticité ne ressort, alors comment le spectateur peut-il être charmé ? Chers allocinéens, préférez "Marius" millésime 1931.