Loin d'être irréprochable au niveau scénaristique (exposition trop longue et très éprouvante...) et cinématographique (action répétitive...), empilant les références (au pif : "Tueurs nés", "Network", "Chute libre"...) sans trop vraiment les digérer, extrêmement partisan et fortement sentencieux, "God Bless America" n'est pas à proprement parler un chef-d'œuvre du 7ème Art. Mais alors, niveau exutoire, le film se pose là et explose tout (ouais, on bute les bouffeurs de pop-corn et les utilisateurs de portable dans les salles de ciné, génial !), si bien qu'on excuse sans problème ses maladresses. Plus prétentieux, plus poseur, mais beaucoup plus jouissif qu'un "Idiocracy", dans un genre assez proche, "God Bless America" est un film clairvoyant, salutaire et d'un jusqu'au-boutisme assez rare : non contents de ne rien faire pour rentrer dans le rang, les personnages revendiquent fièrement leurs différences ("I'm not Like Everybody Else" des Kinks, yeah !) et tentent même de faire plier la société à leurs vues -par la force, puisque l'esprit et la raison ne marchent pas- dans une démarche donquichottesque, forcément discutable et finalement suicidaire. Dans "God Bless America", on clame haut et fort : "mort aux cons !" (mais en ayant quand même assez tendance à oublier qu'on est toujours le con de quelqu'un d'autre...) et, en plus, on joint le geste à la parole ! En se plaçant au dessus de la mêlée dans une posture assez élitiste qui peut éventuellement déranger (finalement, est-ce qu'on vaut vraiment beaucoup mieux que tout ce qu'on dénonce ?), Bob Goldthwait rend ses héros juges, jurés et bourreaux de la société moderne. Au cours de leur road-trip meurtrier, Frank (Joel Murray, excellent) et Roxy (Tara Lynne Barr, excellente tout pareil), couple atypique très éloigné des canons en vigueur, nous en disent beaucoup sur l'état actuel de l'Amérique, exagérant à peine la réalité. "Quand j'entend le mot "culture", je sors mon revolver", disait le nazi Baldur von Schirach. Dans un état d'esprit qu'on pourrait être tenté de rapprocher mais qui s'avère en fait complètement opposé, Frank et Roxy sortent les leurs en voyant la décrépitude culturelle de leur pays. Par contre, il aurait été assez judicieux avant le tournage de calmer l'auteur et ses héros avec leurs rêves de France : ici, c'est pas forcément beaucoup mieux.