Quatrième long-métrage du comédien Bobcat Goldthwait, God Bless America est de ces films indépendants qui surprennent par leur audace. L’idée de base est simple, mais d’ores et déjà convaincante. Atteint d’une tumeur au cerveau, Frank souhaite mettre fin à ses jours. Avant cela, c’est avec les armes qu’il décidera d’épurer cette stupide Amérique qui baigne dans la téléréalité, les conversations futiles et la méchanceté. Il sera ensuite rejoint par la jeune et mignonne Roxy, dont le dessein s’avère guère moins sanglant. Contrairement à ce que l’on peut lire un peu partout, le long-métrage n’est pas (du tout) un « pop-corn movie déjanté » ou je ne sais quoi du genre. Ne voir que l’aspect comique de God Bless America revient à omettre sa faculté à faire réfléchir le spectateur, car le film demeure avant tout un état des lieux sur les Etats-Unis et, plus vastement, tous les pays capitalistes du globe. C’est une invitation à songer à notre condition, nous, petits mortels embrigadés dans ce monde régi par les médias. Bien entendu, c’est avec un regard « détendu » que Bobcat s’attarde sur ce côté peu glorieux des USA, lourd bilan de ce rêve américain qui tournerait davantage au cauchemar. Des petites pisseuses mécontentes de leur dernière voiture jusqu’au dernier des présentateurs vicieux, nos deux serial killer n’épargnent pas grand monde. Deux voies s’offrent alors au spectateur, qui peut se reconnaitre dans les tueurs comme dans les tués. Libre à lui de faire appel à son second degré ou de se sentir sali, insulté, humilié… Quoiqu’il en soit, God Bless America et ne fait en aucun cas l’apologie des armes comme l’explique gentiment le réalisateur, végétarien revendiqué. Au contraire, cette œuvre serait patriotique, nostalgique d’une société à la dérive qui ne se préoccupe que du couple de Brad Pitt et du loser d’American Idol (rebaptisé American Superstarz pour le coup). Avouons-le, cette escapade s’avère des plus plaisantes, aux côtés de deux Bonnie & Clyde des temps modernes très bien interprétés. Dans la peau de Frank, c’est un Joel Murray désabusé qui nous est présenté – dans un jeu d’acteur aussi flegmatique que celui de son ainé. Autrement dit, c’est un rôle qui lui va comme un gant que cet américain cynique et blasé, rêvant secrètement de flinguer le bébé du voisin à coup de fusil à pompes. Dans le premier rôle féminin, Tara Lynne Barr – aussi sanguinaire que jolie – apporte une certaine fraicheur à ce God Bless America qui emporte déjà tout sur son passage. L’énergie de la jeune fille provoque un certain contraste plutôt drolatique, avec l’inflexibilité de Joel Murray – qui transparait même dans les interviews autour du film. Enfin, God Bless America ne se laisse pas avoir par le piège majeur d’une satire cinématographique : son humour et sa dérision ne servent aucunement d’excuse à négliger l’esthétique, qui s’avère assez plaisante. La mise en scène est ingénieuse et certains plans sont même très réussis. La gestion du temps et de l’adrénaline s’avèrent contrôlées et l’ensemble passe bien vite. De même que sur le plan sonore, God Bless America dépote, avec une bande-originale qui parvient parfaitement à s’adapter aux différents tons arborés par le long-métrage. En d’autres termes, un film de qualité. Dans ce God Bless America, on peut voir un défouloir. Une catharsis. Un objet filmique qui aurait un effet antistress. Bref, une belle occasion de gueuler haut et fort toutes ces vilaines pensées qui peuvent nous assaillirent de tous les côtés, au cours d’une journée complètement ratée…