Qu'est-ce qui rend le cinéma de Bergman plaisant ? Dans Les Communiants, ce n'est certainement pas le décor, une église où se pressent six fidèles devant un pasteur grippé. Ce n'est pas non plus le rythme ou le propos, puisque les scènes ne se succèdent que pour mieux répéter les lignes universelles de la messe – même si la répétition est utile à l'apprentissage d'une langue, on frise quand même le foutage de gueule. Ce n'est pas non plus les images, ces plans fixes et droits qui fixent l'audience, ou le prêtre, ou le Christ usé sur sa croix.
Ce qui rend Bergman plaisant, c'est qu'il nous offre plus qu'un miroir dans ses personnages ; ce sont des miroirs sans tain (à plus forte raison que le prêtre a le tain blême...), pleins de sentiments, dont il nous offre un aperçu immense sur le paysage pourtant infini de leur émotions inventées. Le prêtre, c'est Gunnar Björnstrand, acteur fétiche de Bergman, dont le personnage malsain de corps et d'esprit semble être le jardin d'Éden de sa carrière. Dans une œuvre hautement anticléricale et minimaliste jusqu'à l'excès (car le minimalisme rend l'ambiance, déjà noire, difficile à supporter, et les faux raccords se voient comme un näsa au milieu de l'ansikt), le réalisateur laisse éclore ses deux protagonistes (avec l'assistance d'une autre actrice fétiche, Ingrid Thulin) et en eux la révolte. Ou bien la résignation ? Car au long de leur voyage d'une journée, ils ne vont que souffrir, et l'église aux six âmes du matin semblera le paradis quand on arrivera à la chapelle sans public du soir.
Alors ce qui rend Les Communiants plaisant, c'est la réussite dans le rendu de cette descente aux enfers, dont il est presque incompréhensible qu'elle ne soit pas insupportable.
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