On ne dira jamais à quel point il est agréable de voir un acteur bankable mettre sa notoriété et son pouvoir d’attraction du public au service d’un projet risqué. Et il fallait bien la présence de Jean Dujardin et Gilles Lellouche (soit deux des acteurs les plus tendances de ces dernières années) pour porter ces "Infidèles", film à sketchs sur l’infidélité au ton résolument moderne. Au final, le film s’avère imparfait (comme presque toujours dans ce genre de productions) et déstabilisera une partie des spectateurs qui s’attendront à voir une grosse comédie survitaminée (comme le vend la bande-annonce) alors que "Les Infidèles" se veut bien plus profond et dérangeant. Et c’est peu dire que le film n’épargne pas les hommes, présentés sous un jour bien peu flatteur (menteurs, lâches, manipulateurs, faibles…), à travers différents sketchs de valeur inégale. Evacuons tout de suite l’intrigue la moins réussie, à savoir "Le Séminaire" (signé Michel Hazavanicius) et les tentatives désespérées d’un cadre (Jean Dujardin en roue libre) tentant de tromper son femme pendant un déplacement avec sa boîte, qui a le tort de privilégier l’aspect pathétique de son héros au lieu d’exploiter le ressort comique de l’histoire, et qui se voit alourdi par une mise en scène molle et répétitive (beaucoup de longueurs sont à déplorer). A l’opposé, j’ai adoré "Les Infidèles Anonymes" et les mini-sketchs présentant les personnages (signés par le méconnu Alexandre Courtes), qui est incontestablement le passage le plus drôle du film, avec des dialogues hilarants et des personnages hallucinants (mention spéciale à Gilles Lellouche en sportif beauf, à Manu Payet en gérontophile adepte du bondage et, surtout, à Guillaume Canet, monstrueux en bourgeois fayot). Dans un registre complètement différent (on passe de la comédie pure au drame), "La question" (d’Emmanuelle Bercot) permet au couple (à la ville comme à l’écran) formé par Jean Dujardin et Alexandra Lamy de brouiller les pistes entre réalité et fiction et étonne par la pertinence de son propos, le tout filmé avec une subtilité appréciable. Les autres sketchs sont un peu moins aboutis mais restent des courts métrages de qualité. Ainsi, "Lolita" (d’Eric Lartigeau) retrace l’aventure extraconjugale un quadra marié et père de famille (Gilles Lellouche impeccable) et une lycéenne de 17 ans (Clara Ponsot troublante), prétexte à une réflexion le fossé existant entre les 2 amants sans doute un peu caricaturale mais originale. A l’inverse, "Le Prologue" (signé Fred Cavayé), qui décrit les soirées de deux queutards invétérés (Jean Dujardin et Gilles Lellouche, superbes de naturel et de complicité) pourra décevoir par son manque d’originalité mais a l’avantage d’être réalisé efficacement (humour, rythme, musique omniprésente…) et de parfaitement introduire le propos du film. On retrouve d’ailleurs les 2 héros dans le dernier segment du film, "Las Vegas" (réalisé par Dujardin et Lellouche eux-mêmes), avec un style très semblable et, surtout, avec une conclusion inattendue Bref, malgré ses imperfections, "Les Infidèles" recèle d’une énergie bien agréable pour un film français et prouve, une fois encore après "The Artist", que notre cinéma peut produire des films différents sans pour autant sombrer dans l’austérité et l’underground.