Après l’errance douloureuse de soldats d’élite américains en plein territoire taliban, Du sang et des larmes, déjà avec Mark Wahlberg en tête d’affiche, Peter Berg s’attaque à l’explosion de la centrale de forage Deepwater Horizon, au large de la Louisiane, dans le Golfe du Mexique. S’en est suivi de ce sinistre une marée noire désastreuse, une action judicaire massive. Mais Berg, en bon artisan d’un cinéma musclé, ne s’intéresse que très peu, voire pas du tout, aux prémices et aux conséquences. Non, Peter Berg, on pouvait s’en douter, se contente de filmer la montée en tension puis le désastre, nous plongeant sans entournures sur les passerelles de la station, quelques heures avant l’explosion, puis dans un déluge absolu de feu, de boue et de métal fondu. Les héros de Berg, pour l’occasion, ne sont donc pas des militaires endurcis, mais les employés valeureux d’une entreprise de forage sous pression d’une multinationale.
La multinationale en question, BP, impatiente d’exploiter un forage qui tarde à se stabiliser, par le biais d’un personnage cynique incarné par un excellent John Malkovich, saute délibérément les étapes, les contrôles techniques, pour accélérer la cadence. En découle une catastrophe inévitable. Tout est donc, une fois encore, question de profit, de rentabilité. Dès lors, les petites mains de la station capitulent, amorcent le processus final, ce qui amènera au désastre. Le film, sur ce point, fait montre d’une véritable maestria technique, nous plongeant dans le quotidien, qui est sur le point de basculer, d’ouvrier spécialisés. Peter Berg parvient à immerger son public dans les entrailles d’un monstre de fer flottant, outil essentiel à l’exploitation de l’or noir, avec une certaine habileté, ce qui permettra de décupler les effets du désastre à venir. Oui, le cinéaste, s’il n’est pas un parangon de subtilité, de finesse narrative, est tout au moins ici un exécutant méritant, parvenant à faire de l’univers de la station de forage un environnement crédible, juste, puis de la catastrophe en elle-même un beau moment de cinéma destructeur, sans réelle fausse note numérique ou manque de frontalité avec le drame qui se déroule.
Deepwater, en sommes, s’il n’est pas un grand film, n’en reste pas moins une valeur sûre dans son domaine, le film catastrophe. Sur ce point, qu’importe les idéaux de Peter Berg, qu’importe sa propension agaçante à faire du peuple américain, de ses concitoyens, une peuplade de valeureux sauveurs du monde, le cinéaste parvient à livrer un film catastrophe bien supérieur à toutes les productions contemporaines similaires. Oui, mis côte à côte avec un certain San Andreas, pour l’exemple, Deepwater fait figure de chef d’œuvre.
Pour conclure, soulignons que pour l’occasion, il en est tout à fait capable, Mark Wahlberg est excellent, juste dans le costume de ce technicien-électronicien. Par ailleurs, au surplus d’un John Malkovich très convaincant, comme mentionné plus haut, Kurt Russell fait lui aussi une ou deux apparitions remarquées. La force du casting, ici, permet au film s’assoir sa réussite, toujours dans son domaine propre. En bref, on aura vu bien pire que Deepwater, ces dernières années, et l’on espère que Peter Berg, avec tous les défauts, parviendra à insuffler à ses quelques confrères la volonté de faire des films catastrophe qui tiennent la route. 13/20