J’ai essayé de rester objectif devant le film, de faire abstraction de son aspect ultra-élitiste pour essayer d’en apprécier les qualités, mais le problème, c’est que je n’en ai quasiment pas trouvé. Alors oui, le film a une qualité indéniable : son esthétique, pas parfaite mais réussie. Mais le problème, c’est que cette esthétique n’est au service de rien. J’ai essayé de chercher dans les moult critiques positives de ce film ce qu’il y avait de bon, je n’ai pas trouvé. J’ai du respect pour tous les défenseurs de cette œuvre, mais j’ai beau avoir lu toutes les critiques complètes élogieuses, je n’ai pas trouvé ce qu’ils apprécient. Oui donc apparemment Bonnello a ce don de filmer des chairs avec une grâce et une distance blablabla, ok, soit, mais au delà de cet aspect purement formel, qu’est ce qui a poussé ces individus à mettre ce film au niveau des meilleures productions de l’année ? Je n’ai pas trouvé. Bonnello semble apprécier la destructuration : dés la première scène, sympa mais qui tourne un peu à vide, réalité et rêves s’entremêlent, semant la confusion dans l’esprit du spectateur. Si cette confusion refera rarement surface par la suite, en revanche l’absence de réelle structure se verra dans une narration bien trop décousue qui engendre un rythme d’une terrible lenteur. Il n’y a pas vraiment d’histoire, et cela entraîne une conséquence extrêmement néfaste : aucun personnage (à l’exception de la femme qui rit et de celui de Céline Sallette) ne se démarque réellement, résultat l’empathie est inexistante. Peut-être que ca ne pose aucun problème a Bonnello, mais l’empathie (ou l’antipathie) pour les personnages est justement ce qui rend un film intéressant, ce qui capte le spectateur. Comment apprécier un film dans lequel le destin des personnages nous laisse indifférent ? Le problème posé par le traitement de Bonnello ne s’arrête pas là. J’ai beaucoup vu de remarques félicitant l’art de filmer les chairs de ces prostituées, mais justement, ce n’est pas le cas. La sensualité est totalement absente du film, ce qui est un comble dans un film sur la prostitution. Dans les scènes de salon, les prostituées en entreprise de séduction sont filmées avec bien trop de distance (et ce n’est pas le fait qu’elle fume dans un porte cigarette qui va y changer quoi que ce soit), et il en est exactement de même dans les scènes de passe. En outre, il y a également un parti-pris pour la pudeur dans ce film. Cette association d’absence de sensualité et de pudeur pose un souci car cela va globalement à l’encontre de certaines choses qu’aimerait montrer le réalisateur. Alors que celui-ci se complait dans l’étrangeté voire la violence sexuelle des hommes venant dans ces maisons, la pudeur rentre en totale contradiction avec ça. Shame justement savait extrêmement bien filmer les violentes scènes de sexe où le héros assouvissait des fantasmes (et des besoins) totalement formatés, et toute pudeur y était proscrite. Bref, ça ne fonctionne pas du tout. Autre touche esthétique singulière : le split-screen, tantôt inutile, tantôt bien utilisé dans la scène qui parle d’abêtissement des prostituées, avec l’association entre la décadence de certaines prostituées (Céline Sallette) et la répétition mécanique, a la manière des ouvriers dans Les Temps Modernes du métier de prostituée (Adèle Haenel qui couche avec un client de manière ultra répétitive, comme si la scène se tournait en boucle). En dehors de cette fulgurance, il n’y a plus vraiment de choses a sauver dans ce film, bien trop surestimé à mes yeux, affreusement chiant, et au néant thématique abyssal. Je finirai sur les actrices, inégales, avec la formidable Lvosky, les convainquantes Sallette et Barnole , mais hélas la terrible Hasfia Herzi, dont l’absence de grâce totale nous amène a nous demander ce qu’elle fait ici. Dommage qu’à trop vouloir faire un film bobo/élitiste, et donc déstructuré et dérangeant (trop d’effets dérangeants pour la provoc), Bonnello a livré une œuvre vide et vaine, qui n’a rien a dire.