J'avais énormément aimé "Mademoiselle Chambon", le précédent film de Stéphane Brizé, pour la finesse et la délicatesse avec lesquelles il dépeignait des personnages un peu difficiles, un peu différents, aux sentiments subtils.... Et là, au vu de la promotion tonitruante faite pour ce film, on est un poil inquiets: serait ce de la pub gouvernementale, elle est belle mon euthanasie elle est belle! En fait, cet aspect là du film, qui n'en est.... qu'un petit quart, disons, est de loin le moins intéressant, et en tous cas ne donne pas envie d'atterrir dans une de ces officines suisses de la mort heureuse!
Non, le côté passionnant, c'est la description de ces deux caractères, servis par des acteurs exceptionnels. Alain (Vincent Lindon, fantastique!) revient vivre chez sa mère. Il était routier; il a eu la bêtise de faire passer la frontière à un produit interdit; il sort de deux ans de tôle, il n'a plus de métier, plus de maison. Yvette (Hélène Vincent, fabuleuse, avec son petit chignon filasse sur la nuque et ses blouses de ménagère sans manches, tellement éloignée des rôles qu'on a l'habitude de lui voir interpréter!) est veuve et mène une vie répétitive, un pavillon tranquille, qu'elle astique avec acharnement, un voisin gentil, Monsieur Lalouette (Olivier Périer), à qui elle prépare des compotes de pommes, un puzzle géant, un bon gros chien. Ces deux là n'ont rien n'a se dire. Elle n'a jamais été une mère affectueuse; il a un caractère intolérant et emporté. Elle ne manifeste aucune joie de le revoir; il a du mal à se plier à ses manies, essuyer les pattes du chien quand il est sorti, ranger sa chambre pour qu'elle puisse passer l'aspirateur. Elle le traite comme un gamin; il part en claquant la porte.
Il rencontre une fille avec qui c'est l'entente immédiate (Emmanuelle Seignier, épatante). Et là encore, le caractère d'Alain, fermé et brutal, ne va pas permettre à l'histoire d'aller bien loin, il ne veut pas dire qui il est: sans boulot, sans domicile; et là encore, il va partir en claquant la porte. Tous ces personnages sont si vrais, si justes, si finement interprétés qu'on a un vrai bonheur de spectateur.
Pourtant, cette femme lisse va faire quelque chose de bizarre: empoisonner le chien, que mère et fils adorent. Pourquoi? Renouer avec son fils, chez le vétérinaire, au chevet de Médor? Faut il que ces gens là soient introvertis, pour qu'ils n'aient pas trouvé de moyen plus simple, et moins dangereux, de se retrouver?
Yvette a une tumeur au cerveau, qui pour le moment ne lui occasionne pas de troubles particuliers, mais quand même, ça nous gêne qu'Alain ne s'en souvienne pas lorsqu'il explose devant les manies maternelles. Et il découvre une chose: elle est en relation avec une organisation suisse qui gère des suicides assistés. Dans une petite maison agréable, les employés de l'association préparent un verre de potion léthale, et voila, tout est bien organisé. Ach! l'organization Zuisse! Alain ne réagit pas (là, le spectateur commence à se demander s'il est vraiment abruti) et accepte d'accompagner sa mère dans cet dernier voyage.
Et là, moi j'ai commencé à me sentir sérieusement énervée. Faut il qu'elle n'ait RIEN dans sa vie pour qu'elle décide de la quitter alors que rien ne l'y oblige encore? Est ce qu'ils n'auraient pas pu faire des choses, même des choses simples, déjeuner ensemble en terrasse dans un restaurant sympa, marcher en forêt, que sais je, et essayer au moins de partager des émotions, s'ils sont incapables de partager des mots? Les vivre, ces quelques heures de printemps! Et finalement, le "je t'aime" qu'ils vont se dire avant qu'Hélène sombre dans le noir final apparaît faux, déplacé, presque obscène.
Vous sortez de là en criant: légaliser l'eutha-nazie? Jamais!
Donc, un mix de très bon et de raté.