Michel Leclerc filme t’il ses jeunes années d’apprenti cinéaste avec ce film ? On peut y penser tant il y a de la tendresse dans cette façon de relayer l’épopée de Télé Bocal, une télé associative éphémère du milieu des années 90. On sait quasi-immédiatement, dés qu’on voit apparaître les personnages de Télé Gaucho, comment l’expérience télévisuelle va se terminer, cette télé subversive et idéaliste n’a aucune chance ! Les personnages sont dessinés à grands traits, très caricaturaux. Il y a Jean-Lou (Éric Elmosnino, le meilleur de la bande, sans conteste), révolutionnaire de salon, pleutre et juste grande gueule, Yasmina qui ne peut pas parler sans crier et qui est une vraie caricature de féministe-gauchiste-révolutionnaire allumée et bouffie de certitude (et qui a une très haute opinion d’elle-même). Elle gonfle tout le monde (et le spectateur aussi) à force de faire la leçon tout le temps à tout bout de champs. Si Michel Leclerc a demandé à Maïwen de camper un personnage insupportable au bout de deux scènes, alors elle a parfaitement rempliy son contrat ! Sara Forestier, quant à elle, a hérité d’un rôle attachant mais à la fois trop proche et trop éloigné (oui, je sais, c’est bizarre de dire çà) de celui qu’elle incarnait dans « Le nom des gens » et la comparaison entre les deux films la dessert un peu. Les seconds rôles auraient gagné à être mieux mis en valeur, surtout quand on dispose d’un Zinédine Soualem en pleine forme. Reste Felix Moati, qui s’en tire plutôt bien dans le rôle principal un rôle un peu passif, celui du type spectateur de sa propre vie, naïf et tiraillé entre le rêve révolutionnaire et la dure réalité. On le voit, le film n’a pas tellement de fil directeur, c’est plus une galerie de portrait, mais aussi le portrait d’une époque (1996) « où on y croyait peut-être encore un peu ». Mais s’il y a de la tendresse dans la peinture de ces jeunes utopistes, il y a aussi beaucoup de cynisme dans cette galerie de personnages, tous adolescents attardés, qui se répandent en réflexions condescendantes, qui ne savent pas quand arrêter la caméra, qui ne voient le monde qu’au travers du prisme de leur certitudes (ridicules, il faut bien le dire…). A maintes reprises, ils se comportent de façon détestables parce que même quand on est persuadé d’être « du côté du bien », on n’en demeure pas moins habités de défauts très « petits bourgeois » : jalousie, égocentrisme, mensonge, manipulation et trahison, tous inhérents à l’espèce humaine ! Le film n’en demeure pas moins une petite critique de la télévision commerciale (pas trop quand même, c’est TF1 et France télévision qui financent !!!), qui aurait sûrement mérité d’être plus corrosive. Mais on ne s’ennuie pas devant « Télé Gaucho », même si le film tourne un peu à vide par moment, c’est souvent drôle, il y a quelques répliques très bien sentie, j’aurais presque eu envie de les prendre en note pendant le film ! Le style décalé de Michel Leclerc est toujours là, avec la voix off, son style très légèrement inspiré de Jean-Pierre Jeunet (très légèrement, j’ai dis !) et si on l’a aimé dans « Nom des gens », alors on est heureux de le retrouver ici.