Faust, professeur spécialiste en alchimie, cherche le secret de l'âme dans le corps des morts. En vain cependant, et il manque d'argent pour payer les fossoyeurs. Il va alors voir un prêteur sur gages, qui refuse de prendre la bague qu'il lui offre et l'empêche même de se suicider en buvant lui-même la cigüe qu'il avait prévu d'avaler. Ce prêteur sur gages, Mauricius, lui offre un tour dans son village, où Faust trouve des raisons à sa cupidité et des envies de luxure qui le poussent à demander toujours plus à Mauricius, jusqu'à lui vendre, en échange d'une nuit avec la jolie Margarete dont il a tué le frère, son âme.
Le film d'Alexandr Sokourov, qui clôt une tétralogie (Moloch, en 1999; Taureau, en 2001; Le Soleil, en 2005), est aussi simple d'accès que l'est la pièce en deux volumes de Goethe, dont il s'est librement inspiré. De Faust I et Faust II, le cinéaste reprend les personnages de Faust, Méphistophélès, du famulus Wagner accompagné de son homonculus, et de Marguerite. On retrouve aussi le fameux pacte par lequel Faust cède son âme, et la montagne sur laquelle Faust va chanter sa déception amoureuse... Merci Wikipédia, hein, je n'ai jamais lu Goethe. Et, à part quelques réminiscences de culture G qui me rappelaient l'intervention du diable et la pactisation de Faust avec lui en échange de son âme, je ne savais pas grand chose du personnage de Faust.
Et ce n'est pas la narration cohérente et maîtrisée, mais volontairement brouillonne, d'Alexandr Sokourov, qui m'a aidé à me rappeler les grandes lignes de l’œuvre de Goethe. Le cinéaste a tourné en 1:33, format dont les salles de projection se sont débarassées - d'où la difficulté à trouver une séance, même à Paris. Le 4/3 permet de serrer le cadre dans des décors déjà moites - l'intimité de la chambre de Faust, un lavoir où les femmes se déshabillent sans pudeur, une taverne où les hommes soûls réclament encore plus de vin,... - et les personnages se cognent aux limites de l'écran, se croisant sans cesse et sans air. Cette proximité laisse aussi les dialogues s'entremêler, incessantes diatribes philosophiques et interventions de personnages secondaires qui eux, parlent de la pluie, du beau temps ou du pain juste sorti du four.
Le film est bavard, claustrophobe, et son ambiance malsaine est renforcée par l'incessant parfum de mort et de sexe qui danse dans les yeux de Faust et qui est sans cesse rehaussé par Méphistophélès, se donnant en spectacle et caressant son corps difforme. La lumière verdâtre ou jaune donne elle aussi une idée de l'étrangeté de ce film ovni. La séance de cinéma a-t-elle pour autant été désagréable? Sans être une grande fan de cette interprétation de Faust, j'y ai subi une étrange fascination teinté de dégoût, et je remercie Alexandr Sokourov de livrer au public une œuvre bizarroïde, expérimentale et hors du temps - avec son format d'autrefois.
Je ne sais pas si vous l'avez constaté - vous qui venez tous les jours sur ce blog et vous languissez certainement de m'y retrouver -, je n'ai pas été beaucoup au cinéma ces dernières semaines. Je fatigue, et même si des films m'attirent parfois, je me dis souvent qu'ils ne valent pas forcément le coup que je me déplace. Je ne trouve que rarement la perle rare, je ne ressens quasiment jamais un engouement réel, un bonheur à retrouver un film et à m'y laisser emporter. Mon amour du cinéma ne me quittera sans doute jamais, mais je me lasse des films certes bons et agréables à regarder mais sitôt oubliés aussi. Je ne veux pas juste passer deux heures sympathiques dans une salle de cinéma, à moins d'y aller avec des copains et de prolonger la soirée ensuite en bonne compagnie. Je veux retrouver à chaque film une étincelle. Je vais donc peut-être arrêter de passer toutes mes soirées au cinéma, et attendre les quelques films que certainement, comme Faust, personne n'ira voir, mais qui me redonneront la définition juste d'un beau cinéma.
En attendant, peut-être vais-je aussi profiter de mon chez moi et de mon vidéo-projecteur et de tout ce temps libre retrouvé pour me gorger de classiques qu'on sait avoir marque l'histoire du cinéma. Des propositions?