Délicieuse et brillante idée que ce conte nous livre ici une histoire sous les traits de la création d'une "peinture" (par le biais de ce que représente chaque "famille"). Dans un monde microcosmique qui n'est jamais bien loin du nôtre, celui d'un simple tableau, vit une société inégalitaire (se mettre devant un tableau et imaginer la vie des personnages qui y sont peints, n'est-ce pas là le propre de l'art ? En tous les cas la véritable réussite d'une peinture se mesure beaucoup à ce regard là...) ; je disais donc : dans le monde imaginaire d'un tableau, le scénariste nous dépeint une société où certains êtres se sont auto-proclamés parfaits et supérieurs car "terminés" (les Toupins), où d'autres, les Pafinis, sont méprisés car imparfaits physiquement, de même que les Reufs, créatures seulement et grossièrement esquissées. Parabole de la supériorité de la richesse, de la perfection extérieure ou de la beauté sur l'intellect et la richesse intérieure (matérialisée par la "richesse" des couleurs, celle-là même qui définie les diverses strates sociales), ce film est pourtant bien plus qu'une simple ode à la tolérance et à l'égalité. Il ne s'arrètera pas à son idée de départ et se transformera en une aventure éblouissante à cheval sur plusieurs mondes, tous imparfaits, mélant les idées avec tact et intelligence ; même si parfois cela peut nous sembler un peu "brouillon" (tel un labyrinthe ou nous ne saurions ou se trouve la sortie) : la scène qui boucle le tableau des petits soldats est somptueuse et tellement puissante de simplicité ; les scènes avec la Mort sont également magnifiques ; la conclusion est tout autant engagée que... divine. Il développera les personnages au travers d'une véritable quète où chacun y trouvera ses réponses, d'un voyage initiatique pour chacun d'entre eux (ramener la paix, ramener la vie, trouver des réponses). Une très belle réflexion avec de vraie questions, originale par son angle d'approche et le maniement de sa thématique : de l'incapacité des hommes à s'entendre en vertue de leurs différences ; une éternelle question de couleur, de barbouillage et de coeur. Un film qui se tourne à la fois vers le déterminisme (l'homme est finalement maitre de son destin... mais il se doit d'être aidé) et le positivisme (plus qu'une banale happy end), la recherche du divin, donnant des solutions qui permettront à tous de s'y retrouver. Dieu n'y sera qu'un simple bâton de pèlerin, mais sans ce bâton, personne n'aurait pû avancer. Brillant, extrêmement ambitieux et fascinant. Finissons sur le design incroyable de cette oeuvre, design qui bouleverse radicalement les codes standardisés actuels et, par la même, rebute la majeure partie d'un public qui déteste être surpris et se fatigue vite à devoir gratter au-delà d'apparences forcément trompeuses ; il est temps de parler haut et fort de ce réalisateur méconnu et absolument génial que je vous supplie de découvrir par tous les moyens avant que l'industrie du cinéma, plus orientée sur les bénéfices qu'autre chose, ne l'enterre définitivement... et que l'on perde un grand, un très grand.